Anne Boucher a rejoint l’IREx en 2014 en tant qu’étudiante à la maitrise. Après avoir complété ses études supérieures, elle a été embauchée comme chercheuse postdoctorale pendant 6 mois à l’Université McGill. Depuis déjà près de deux ans, elle travaille en tant que spécialiste des sciences physiques au Centre Météorologique canadien, Environnement et Changements climatiques Canada. Elle répond ici à quelques-unes de nos questions sur son stage postdoctoral à l’IREx.
IREx : Qu’as-tu le plus aimé de ton passage à Montréal?
Anne : En fait je suis née et j’ai grandi à Montréal, et j’imagine que d’être restée faire toutes mes études ici démontre bien à quel point j’y suis attachée et c’est bon y vivre. J’ai même maintenant un emploi comme scientifique sur l’île!
C’est une ville où la culture est riche et diversifiée, avec beaucoup de choix gastronomiques, et des gens chaleureux, et où on peut trouver plein d’activités à faire, dont les nombreux festivals tout au long de l’année, en été comme en hiver.
IREx : Quel sont les projets marquants que tu as menés à l’IREx?
Anne : Au cours de mon court moment comme chercheuse postdoctorale, après mon doctorat, mon projet le plus marquant a porté sur la détection et la caractérisation de l’atmosphère du côté nuit de la jupiter utra-chaude KELT-20 b. Pour ce faire, j’ai utilisé la méthode de spectroscopie d’émission, qui consiste à observer la lumière combinée d’une étoile et de la planète en simultané. En isolant les variations de la lumière causées par l’atmosphère de la planète (son spectre d’émission), on peut entre autres déduire la composition de l’atmosphère de cette dernière, ainsi que de la dynamique globale (le mouvement général des vents en haute atmosphère). J’ai utilisé les données haute résolution du spectropolarimètre infrarouge SPIRou, installé sur le télescope Canada-France-Hawaï (CFHT) à Hawaï, puis le programme d’analyse STARSHIPS (pour Spectral Transmission And Radiation Search for High resolutIon Planet Signal), un programme que j’ai développé avec l’aide de mon collègue Antoine Darveau-Bernier au cours de mon doctorat.
IREx : À quelles questions tentiez-vous de répondre?
Anne : On tentait de mieux comprendre la composition et la dynamique de l’atmosphère de jupiters ultra-chaudes, des planètes géantes gazeuses qui orbitent très, très près de leur étoile. Elles présentent toujours le même côté à leur étoile. Ce coté jour permanent est parfois plus chaud que certaines naines brunes! On voulait donc en apprendre davantage sur les mécanismes de redistribution d’énergie du côté jour au côté nuit et comment cela affecte la composition.
IREx : Qu’avez-vous découvert?
Anne : Nous avons obtenu les premières observations à haute résolution de la lumière émise par le côté nuit de ce type d’objet. Nous avons appris que le signal de l’eau (H2O) et du monoxyde de carbone (CO) n’avait pas le même comportement du côté jour et du coté nuit, ce qui confirme ce qu’on avait prédit avec des modèles 3D d’atmosphère. Ce genre d’observation est justement très utile pour comparer et aider à valider ces modèles. Ce type d’observation, qui se fait avec des télescopes au sol, est beaucoup plus facile et moins couteux que d’autres, qui exigent des télescopes spatiaux.
IREx : Qu’est-ce qui te motive dans la recherche dans le domaine des exoplanètes?
Anne : Je dirais que ce qui me motivait le plus était de savoir que je contribuais quelque peu, même si c’était minime, à l’avancement des connaissances et des techniques qui nous permettraient un jour de détecter la vie sur une autre planète. Mais outre ça, le monde des exoplanètes est extrêmement vaste (c’est le moins qu’on puisse dire) et beaucoup de choses restent à découvrir, alors la table était bien mise pour nous laisser explorer tout ça.
Aussi, ce qui m’a rendue particulièrement heureuse et fière récemment est que j’ai appris que mon code (STARSHIPS) est encore utilisé par les étudiant.e.s et les chercheur.euse.s, qu’il continue d’être amélioré, et même qu’il y a des ateliers sur comment l’utiliser!
IREx : Pourquoi les gens devraient s’intéresser à ce genre de travaux, d’après toi?
Anne : La curiosité est déjà une très bonne raison, mais je dirais que le fait d’être capable de détecter et d’étudier des boules de roches et de gaz qui se promènent dans l’espace, à des années-lumière de nous, est extrêmement fascinant en soi et je n’en reviens toujours pas qu’on soit capable de faire tout ça! C’est fou!
Au-delà de ça, la recherche sur les exoplanètes nous aide à mieux comprendre notre propre système solaire et l’origine de la vie sur Terre, qui sont aussi des sujets passionnants. En plus, pour y arriver, il faut développer de nouvelles technologies et méthodes d’observation qui = ont souvent des applications dans d’autres domaines scientifiques et technologiques, et même dans notre vie de tous les jours.
IREx : Comment ton passage chez nous t’aidera-t-il pour la suite?
Anne : À l’IREx, j’ai pu travailler dans un contexte multidisciplinaire. Dans mon poste actuel, spécialiste des sciences physiques au Centre Météorologique canadien, Environnement et Changements climatiques Canada, cela s’avère un atout pour interagir avec des météorologues, informaticiens, physiciens, etc. On trouve d’ailleurs au Centre Météorologique Canadien d’autres personnes formée à l’IREx (Thomas Navarro, Antoine Darveau-Bernier), et plus généralement un nombre non négligeable de scientifiques qui sont passé.e.s par l’astrophysique à un moment ou un autre de leurs études ou carrière.
Mon projet au post-doctorat m’a permis d’acquérir une grande expertise en développement de code en collaboration (avec le versionnage de code Git, via le développement et l’amélioration continuels de STARSHIPS). C’est une compétence que j’utilise énormément aussi. Mon expertise en programmation, en analyse de données et en traitement de signal ainsi qu’en résolution de problèmes sont d’autres compétences développée pendant ce stage qui sont très utiles dans mon travail de tous les jours. Il y a beaucoup de tâches que j’ai pu automatiser et optimiser grâce à cela, ce qui a impressionné plusieurs de mes collègues qui n’ont pas eu de formation en programmation! Cela me permet aussi de me concentrer sur les autres tâches plus techniques. Et au lieu d’avoir la tête dans les étoiles, j’ai maintenant la tête dans les nuages ici sur Terre!
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