Une équipe d’astronomes de l’Université de Montréal (UdeM) a fait une découverte excitante en excluant la possibilité que l’exoplanète tempérée LHS 1140 b soit une mini-Neptune, et en l’identifiant plutôt comme une super-Terre prometteuse recouverte de glace ou d’eau. Cette planète, située à environ 48 années-lumière de la Terre dans la constellation de Cetus, apparaît comme l’une des exoplanètes candidates dans la zone habitable les plus prometteuses connues, abritant potentiellement une atmosphère et même un océan d’eau liquide. De précieuses données du télescope spatial James Webb (JWST) ont été recueillies en décembre 2023 et ajoutées aux données précédentes d’autres télescopes spatiaux, notamment Spitzer, Hubble et TESS, afin de consolider ce résultat qui a été publié dans la revue The Astrophysical Journal Letters le 10 juillet 2024.
LHS 1140 b, une exoplanète en orbite autour d’une étoile naine rouge de faible masse dont la taille équivaut à environ un cinquième de celle du Soleil, a captivé les scientifiques puisqu’elle est l’une des exoplanètes les plus proches de notre Système solaire se trouvant dans la zone habitable de son étoile. Les exoplanètes situées dans cette « zone Boucle d’or » ont des températures qui permettent à l’eau d’y exister sous forme liquide — l’eau liquide étant un élément essentiel à la vie telle que nous la connaissons sur Terre.
Plus tôt cette année, une recherche menée par Charles Cadieux, étudiant au doctorat à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) et à l’UdeM sous la supervision du professeur René Doyon, a rapporté de nouvelles estimations de la masse et du rayon de LHS 1140 b avec une précision exceptionnelle (comparables à celles des planètes TRAPPIST-1 bien connues) : 1,7 fois la taille de la Terre et 5,6 fois sa masse.
L’une des questions essentielles concernant LHS 1140 b était de savoir s’il s’agissait d’une exoplanète de type mini-Neptune (une petite géante gazeuse dotée d’une épaisse atmosphère riche en hydrogène) ou d’une super-Terre (une planète rocheuse plus grande que la Terre). Ce dernier scénario incluait la possibilité d’une planète dite « hycéanique » avec un océan liquide global enveloppé d’une atmosphère riche en hydrogène qui présenterait un signal atmosphérique distinct pouvant être observé à l’aide du puissant télescope Webb.
À l’issue d’un processus extrêmement compétitif, l’équipe d’astronomes a obtenu du précieux temps discrétionnaire de la directrice (DDT) sur Webb en décembre dernier, au cours duquel deux transits de LHS 1140 b ont été observés avec l’instrument NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph) construit par le Canada. Ce programme DDT n’est que le deuxième consacré à l’étude des exoplanètes en près de deux ans d’exploitation de Webb, ce qui souligne l’importance et l’impact potentiel de ces résultats.
L’analyse de ces observations a fortement exclu le scénario de la mini-Neptune, avec des preuves intrigantes suggérant que l’exoplanète LHS 1140 b est une super-Terre qui pourrait même avoir une atmosphère riche en azote. Si ce résultat est confirmé, LHS 1140 b serait la première planète tempérée à présenter des signes d’une atmosphère secondaire, formée après la formation initiale de la planète.
Les estimations basées sur l’ensemble des données accumulées révèlent que LHS 1140 b est moins dense que prévu pour une planète rocheuse de composition similaire à la Terre, ce qui suggère que 10 à 20 % de sa masse pourrait être composée d’eau. Cette découverte indique que LHS 1140 b est une candidate convaincante d’un monde d’eau, ressemblant probablement à une boule de neige ou à une planète de glace avec un océan liquide potentiel au point sub-stellaire, ou la zone de la surface de la planète qui ferait toujours face à l’étoile hôte du système en raison de la rotation synchrone attendue de la planète (un peu comme la Lune autour de la Terre).
« De toutes les exoplanètes tempérées actuellement connues, LHS 1140 b pourrait bien être notre meilleure chance de confirmer un jour indirectement la présence d’eau liquide à la surface d’un monde extraterrestre au-delà de notre Système solaire », affirme Charles Cadieux, premier auteur de l’article scientifique. « Ce serait une étape majeure dans la recherche d’exoplanètes potentiellement habitables. »
Bien qu’il ne s’agisse encore que d’un résultat provisoire, la présence d’une atmosphère riche en azote sur LHS 1140 b suggère que la planète a conservé une atmosphère substantielle, créant ainsi des conditions propices à la présence d’eau liquide. Cette découverte favorise les scénarios du monde d’eau ou de la boule de neige comme étant les plus plausibles. Les modèles actuels indiquent que si LHS 1140 b possède une atmosphère semblable à celle de la Terre, il s’agirait d’une planète boule de neige avec un océan en forme de cible d’environ 4 000 kilomètres de diamètre, soit l’équivalent de la moitié de la surface de l’océan Atlantique. La température de surface au centre de cet océan extraterrestre pourrait même atteindre un 20 degrés Celsius confortable.
L’atmosphère potentielle de LHS 1140 b et ses conditions favorables à l’eau liquide en font une candidate exceptionnelle pour de futures études d’habitabilité. Cette planète offre une occasion unique d’étudier un monde susceptible d’abriter la vie, étant donné sa position dans la zone habitable et la probabilité qu’elle possède une atmosphère capable de retenir la chaleur et de soutenir un climat stable.
Pour confirmer la présence et la composition de l’atmosphère de LHS 1140 b et faire la distinction entre le scénario de la planète boule de neige et celui de la planète océan, des observations supplémentaires sont nécessaires. L’équipe de chercheurs a insisté sur la nécessité d’observer plus de transits et d’éclipses avec le télescope Webb, en se concentrant sur un signal spécifique qui pourrait révéler la présence de dioxyde de carbone. Cette caractéristique est cruciale pour comprendre la composition de l’atmosphère et détecter d’éventuels gaz à effet de serre qui pourraient indiquer des conditions d’habitabilité sur cette exoplanète.
« La détection d’une atmosphère semblable à celle de la Terre sur une planète tempérée repousse les limites des capacités de Webb. C’est faisable ; nous avons juste besoin de beaucoup de temps d’observation, » déclare René Doyon, qui est également le chercheur principal de l’instrument NIRISS. « L’indice actuel d’une atmosphère riche en azote demande à être confirmé par d’autres données. Nous avons besoin d’au moins une année supplémentaire d’observations pour confirmer que LHS 1140 b possède une atmosphère, et probablement de deux ou trois années de plus pour détecter le dioxyde de carbone. » Selon M. Doyon, le télescope Webb devra probablement observer ce système à chaque occasion possible pendant plusieurs années afin de déterminer si LHS 1140 b présente des conditions de surface habitables.
Étant donné la visibilité limitée de LHS 1140 b avec Webb — un maximum de huit visites par an est possible — les astronomes auront besoin de plusieurs années d’observations pour détecter le dioxyde de carbone et confirmer la présence d’eau liquide à la surface de la planète. Parmi les exoplanètes proches, LHS 1140 b est une candidate de choix pour la poursuite de l’étude et la quête des astronomes pour trouver des mondes habitables au-delà de notre Système solaire. Compte tenu de la possibilité de confirmer la présence d’une atmosphère et, indirectement, d’eau liquide à sa surface, cela devrait bien valoir la peine de consacrer du temps d’observation à LHS 1140 b à l’avenir !
À propos de cette étude
L’article « Transmission Spectroscopy of the Habitable Zone Exoplanet LHS 1140 b with JWST/NIRISS » a été publié le 10 juillet 2024 dans la revue Astrophysical Journal Letters. Le premier auteur est Charles Cadieux, doctorant à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal. Les autres chercheurs de l’iREx qui ont contribué à cet article sont René Doyon (UdeM), Étienne Artigau (UdeM), Olivia Lim (UdeM), Michael Radica (UdeM), Salma Salhi (UdeM), Lisa Dang (UdeM), Loïc Albert (UdeM), Louis-Philippe Coulombe (UdeM), Nicolas Cowan (McGill), David Lafrenière (UdeM), Alexandrine L’Heureux (UdeM), Caroline Piaulet-Ghorayeb (UdeM), Björn Benneke (UdeM), Neil Cook (UdeM) et Marylou Fournier-Tondreau (UdeM et Université d’Oxford). Les autres contributeurs proviennent de l’Université du Michigan, du Centre national de recherche scientifique (France), du Goddard Space Flight Center de la NASA, de l’American University, de l’Université McGill, de l’Université McMaster et de l’Université de Toronto. R. Doyon et l’équipe de l’UdeM remercient l’Agence spatiale canadienne pour son soutien financier à cette étude.
Pour plus d’information
Contacts scientifiques
Charles Cadieux
Doctorant
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
charles.cadieux.1@umontreal.ca
Tél: 514 503-0176
René Doyon
Directeur
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
rene.doyon@umontreal.ca
Tél: 514 349-5779
Contact média
Nathalie Ouellette
Scientifique chargée des communications sur le télescope Webb
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
nathalie@astro.umontreal.ca
Tél: 613 531-1762
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