Un groupe international d’astronomes, qui comprend Jake Taylor, chercheur postdoctoral à l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx), a effectué une mesure détaillée des conditions atmosphériques d’une exoplanète de type Jupiter chaude appelée WASP-121 b grâce au télescope spatial Hubble. À cause d’effets de marée, cette exoplanète présente toujours la même face à son étoile. L’équipe a pu étudier à la fois le côté diurne – celui qui fait toujours face à l’étoile – et le côté nocturne – celui qui n’est jamais éclairé – une première! Ils ont ainsi pu déterminer comment l’eau change d’état lorsqu’elle passe d’un côté à l’autre de l’exoplanète. Alors que les métaux et les minéraux en suspension dans l’air s’évaporent sur le côté diurne, qui est très chaud, le côté nocturne, plus froid, présente des nuages métalliques et des pluies de… pierres précieuses! L’étude, publiée le 21 février 2022 dans la revue Nature Astronomy, est un grand pas en avant dans l’étude des échanges de matière et d’énergie dans l’atmosphère des exoplanètes.
La première découverte d’une exoplanète en orbite autour d’une étoile semblable au Soleil, il y a plus de 25 ans, a introduit une nouvelle classe exotique de planètes: les Jupiters chaudes. Il s’agit de planètes gazeuses géantes qui ressemblent à Jupiter, mais qui sont très proches de leur étoile hôte (à quelques diamètres stellaires seulement). En raison de cette proximité, dans un tel système, l’étoile chauffe la planète à plusieurs centaines ou même milliers de degrés Celsius. Sur les quelque 5000 exoplanètes connues, plus de 300 sont des Jupiters chaudes.
À l’aide du télescope spatial Hubble, une équipe internationale dirigée par Thomas Mikal-Evans, de l’Institut Max Planck d’astronomie (MPIA) de Heidelberg, en Allemagne, a étudié les propriétés atmosphériques de WASP-121 b, une Jupiter chaude. Cette exoplanète, découverte en 2015, est située dans la constellation de la Poupe, à une distance de 855 années lumière de la Terre. La masse de WASP-121 b est environ 20% supérieure à celle de Jupiter, tandis que son diamètre est presque deux fois plus grand.
« On connaît des milliers d’exoplanètes, mais c’est seulement pour une petite fraction d’entre elles qu’on peut étudier l’atmosphère », souligne Mikal-Evans. « Jusqu’à présent, la plupart des études ont fourni des informations limitées, comme des détails de la composition chimique de ces planètes ou la température moyenne de sous-régions spécifiques de l’atmosphère. »
Les nouvelles observations ont permis aux astronomes d’obtenir l’aperçu le plus détaillé à ce jour des conditions du côté nocturne d’une exoplanète. Comme toutes les Jupiters chaudes, WASP-121 b fait un tour sur elle-même exactement dans le même temps qu’elle fait le tour de son étoile. La durée d’une journée et celle d’une année sont donc les mêmes sur cette planète, soit de 30 heures. Par conséquent, le côté orienté vers l’étoile – le côté diurne – subit toujours la chaleur torride de l’étoile. Le côté nuit, lui, est constamment exposé à la froideur de l’espace. En combinant les données des côtés diurne et nocturne, l’équipe a obtenu pour la première fois une vision globale de l’atmosphère d’une exoplanète.
Au lieu de nuages d’eau comme ceux de la Terre, les nuages de WASP-121 b sont principalement composés de métaux tels que le fer, le magnésium, le chrome et le vanadium. Des observations précédentes ont révélé la signature de ces métaux sous forme de gaz sur le côté jour. Les nouvelles données de Hubble indiquent que sur le côté nocturne, les températures baissent suffisamment pour que les métaux se condensent en nuages. Les vents soufflant vers l’est transportent la vapeur d’eau du côté jour au côté nuit, et poussent aussi les nuages métalliques du côté nuit au côté jour, où ils s’évaporent à nouveau.
Étrangement, l’aluminium et le titane ne faisaient pas partie des gaz détectés dans l’atmosphère de WASP-121 b. Une explication probable est que ces métaux se sont condensés et ont tombé sous forme de pluie dans des couches plus profondes de l’atmosphère, qu’on ne peut pas étudier avec les observations. Et cette pluie serait vraiment très spéciale, complètement différente des pluies qu’on peut observer sur les différents corps du Système solaire. L’aluminium, par exemple, se condense avec l’oxygène pour former le corindon, une espèce qui, lorsqu’elle comprend des impuretés de chrome, de fer, de titane ou de vanadium, est connue sur Terre sous le nom de rubis ou de saphir. Des pluies de pierres précieuses pourraient donc être chose commune sur le côté nocturne de WASP-121 b!
Jake Taylor, boursier postdoctoral NEAT au sein de l’iREx à l’Université de Montréal et co-auteur de l’étude, est spécialisé dans l’analyse de données de l’atmosphère des exoplanètes obtenues grâce aux télescopes spatiaux. Il a contribué à établir la composition et la structure de l’atmosphère de WASP-121 b en utilisant les données de la caméra Hubble Wide Field Camera 3.
« WASP-121 b sera bientôt étudiée avec le télescope spatial James Webb », explique le Dr. Taylor. « Ces observations Hubble nous donnent un premier aperçu de ce que l’observation NEAT GTO pour WASP-121 b nous apprendra sur les conditions météorologiques extrêmes de cette planète. »
NEAT est le programme d’observation du télescope spatial James Webb qui utilise le temps d’observation garanti du Canada (Guaranteed Time Observation; GTO) pour étudier l’atmosphère d’une variété d’exoplanètes, y compris celle de WASP-121 b. Jake a rejoint l’iREx en 2021 spécifiquement pour travailler sur ce projet.
En couvrant le domaine des longueurs d’onde infrarouge, un type de lumière auquel Hubble n’est pas sensible, le télescope Webb permettra à l’équipe de déterminer la quantité de carbone dans l’atmosphère. Cette mesure pourrait donner des indices sur le mécanisme et le lieu de formation de WASP-121 b dans le disque protoplanétaire de son étoile. Les mesures seront même suffisamment précises pour connaître la vitesse des vents à différentes altitudes dans l’atmosphère!
Tout le monde à l’iREx et dans l’équipe internationale est impatient d’en apprendre davantage sur WASP-121 b avec le télescope Webb!
L’article « Diurnal variations in the stratosphere of the ultrahot giant exoplanet WASP-121b » a été publié le 21 février 2022 dans Nature Astronomy. En plus de Thomas Mikal-Evans (MPIA, Allemagne ; MIT Kavli Institute, USA) et Jake Taylor (iREx, UdeM, Canada ; Université d’Oxford, UK), l’équipe comprend 10 co-auteurs des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’Inde.
Adapté d’un communiqué de presse de MPIA par
Dr. Markus Nielbock
Max-Planck-Institut für Astronomie Presse- und Öffentlichkeitsarbeit
MPIA-Campus Königstuhl 17 D-69117 Heidelberg
Tel. +49(0)6221 528-134 Mobil +49(0)15678 747326
Marie-Eve Naud
Coordonnatrice à l’éducation et au rayonnement,
Institut de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
514-279-3222, marie-eve.naud@umontreal.ca
Nathalie Ouellette
Coordonnatrice,
Institut de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
613-531-1762, nathalie.ouellette.2@umontreal.ca
Jake Taylor
Chercheur postdoctoral NEAT
Université de Montréal, Montréal, Canada
jake.taylor@umontreal.ca
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