De nouveaux résultats du télescope James Webb mettent en lumière un large éventail de composants présents sur l’exoplanète WASP-39 b: atomes, molécules, signes de chimie active et même des nuages!
Connu pour renvoyer des images époustouflantes vers la Terre, le télescope spatial James Webb vient de signer une autre première: un portrait moléculaire et chimique du ciel d’un monde lointain.
Le télescope, fruit d’une collaboration entre la NASA, l’Agence spatiale européenne et l’Agence spatiale canadienne, n’est opérationnel que depuis quelques mois, mais il a déjà révolutionné le monde de l’astronomie.
L’un des objets d’étude récents du télescope était une «Saturne chaude» – une planète à peu près aussi massive que Saturne en orbite autour d’une étoile à quelque 700 années-lumière de la Terre – connue sous le nom de WASP-39 b, planète qu’étudie l’équipe Early Release Science (ERS) Transiting Exoplanets.
Cette équipe, qui comprend un groupe d’astronomes canadiens de l’Université de Montréal dirigés par le professeur Björn Benneke, avait déjà révélé en août que l’atmosphère brûlante de WASP-39 b contenait indéniablement du dioxyde de carbone (CO2).
Les nouveaux résultats, présentés le 21 novembre sur arXiv et bientôt publiés dans une revue scientifique, fournissent un large éventail de composants identifiés sur WASP-39 b: atomes, molécules, signes de chimie active et nuages.
Ces résultats sont de bon augure et confirment la capacité des instruments de James Webb à mener l’une des grandes enquêtes bien documentées sur les exoplanètes tant espérées par la communauté scientifique. Cela inclut le sondage d’atmosphères de planètes rocheuses de la taille de la Terre, comme celles du système TRAPPIST-1.
Les données analysées par l’équipe scientifique constituent un véritable tournant dans la recherche sur les exoplanètes. Elles ont été recueillies par trois des instruments de James Webb, dont l’instrument canadien le Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph (NIRISS).
Parmi les révélations figure la première détection, dans une atmosphère exoplanétaire, de dioxyde de soufre, une molécule produite à partir de réactions chimiques déclenchées par la lumière ultraviolette de l’étoile mère de la planète. Ce type de processus, appelé photochimie, n’avait jamais, jusqu’à présent, été observé en dehors du système solaire. Sur Terre, la couche d’ozone protectrice dans la haute atmosphère est créée de la même manière.
À une température estimée à 900 °C et avec une atmosphère composée principalement d’hydrogène, les astronomes estiment que WASP-39 b n’est pas habitable. Toutefois, cette nouvelle étude jette les bases pour trouver des preuves de vie potentielle sur d’autres planètes qui pourraient être habitables.
La proximité de WASP-39 b avec son étoile hôte – huit fois plus proche que Mercure ne l’est du Soleil – en fait également un excellent laboratoire pour étudier les effets du rayonnement des étoiles hôtes sur les exoplanètes. Une meilleure connaissance de la relation entre une planète et son étoile devrait permettre de mieux comprendre comment ces processus créent la diversité des planètes observées dans notre galaxie.
D’autres éléments atmosphériques détectés par le télescope James-Webb comprennent le sodium, le potassium et la vapeur d’eau, confirmant les observations antérieures des télescopes spatiaux et terrestres. Du monoxyde de carbone a également été décelé pour la première fois pour cette exoplanète.
Capter un spectre aussi large de l’atmosphère de WASP-39 b s’est révélé un véritable tour de force scientifique. Les membres de cette équipe de recherche internationale ont analysé de façon indépendante des centaines de données fournies par des instruments finement calibrés de James-Webb. Ont ensuite été faites des comparaisons détaillées de leurs découvertes au sein de l’équipe, produisant des résultats encore plus scientifiquement nuancés et rigoureux.
«D’un point de vue sociologique, c’était une expérience formidable, a déclaré Björn Benneke, professeur d’astrophysique à l’UdeM et chercheur à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes. En tant qu’experts et expertes de renommée mondiale souvent en concurrence les uns avec les autres, nous nous sommes regroupés et avons collaboré pour concevoir le meilleur programme. Nous avons ainsi fourni des données de recherche de grande qualité avec lesquelles la communauté scientifique peut maintenant travailler. Ce fut un grand succès et l’expérience nous a tous rapprochés!»
Pour voir la lumière de WASP-39 b, James-Webb a suivi la planète alors qu’elle passait devant son étoile, permettant à une partie de la lumière de l’étoile de filtrer à travers l’atmosphère de la planète. À travers cette lumière stellaire se sont imprimées des signatures de différents éléments chimiques trouvés dans l’atmosphère de l’exoplanète. En étudiant cette lumière grâce à une technique appelée spectroscopie de transit, les astronomes ont déterminé la composition de l’atmosphère de la planète à des centaines d’années-lumière de distance.
Les signatures des éléments chimiques détectés dans une atmosphère d’exoplanète peuvent être étudiées individuellement, mais peuvent également être comparées les unes avec les autres. En comparant l’abondance de différentes molécules, les astronomes ont un aperçu de la façon dont une planète a pu se former. Dans le cas de WASP-39 b, son inventaire chimique suggère qu’elle a été créée à partir de la collision et de la fusion de plusieurs corps plus petits qualifiés de planétésimaux.
En plus du professeur Benneke, plusieurs doctorants de l’UdeM et un chercheur postdoctoral, soit Louis-Philippe Coulombe, Caroline Piaulet, Michael Radica, Pierre-Alexis Roy et Jake Taylor, ont participé à cette étude. Ils continueront dans les prochains mois à analyser les données fournies par James-Webb afin de repérer d’autres exoplanètes potentielles.
«Les premières semaines après la publication des données de notre programme d’observation ont probablement été l’une des périodes les plus enrichissantes de ma vie, a déclaré l’étudiant Michael Radica, deuxième auteur de l’article sur les données de l’instrument canadien NIRISS. En voyant les premiers spectres de transmission du NIRISS, j’ai vraiment compris que tout notre travail des dernières années en valait la peine!»
L’équipe ERS prépare plusieurs autres articles scientifiques dont les résultats seront publiés prochainement: «Nous pouvons maintenant commencer à pousser plus loin les capacités du James-Webb et de l’instrument NIRISS, a ajouté le chercheur. Les leçons tirées des observations du programme Early Release Science se révèlent déjà inestimables. Des analyses de planètes plus petites, de la taille de Neptune et même de la Terre, sont en cours.»
Le télescope spatial James Webb est l’observatoire spatial le plus important de la prochaine décennie. Il résoudra les mystères de notre système solaire, regardera au-delà des mondes lointains autour d’autres étoiles et sondera les structures et les origines mystérieuses de notre univers et notre place dans celui-ci. Webb est un programme international mené par la NASA avec des contributions de l’Agence spatiale européenne et l’Agence spatiale canadienne.
Cinq articles scientifiques au sujet de l’exoplanète WASP-39 b pas l’équipe scientifique du programme JWST Transiting Exoplanet Community Early Release Science furent publiés sur arXiv le 21 novembre 2022.
Björn Benneke
Professeur
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
bjorn.benneke@umontreal.ca
514-578-2716
Michael Radica
Étudiant au doctorat
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
michael.radica@umontreal.ca
416-278-4334
Nathalie Ouellette
Scientifique chargée des communications sur le télescope Webb au Canada
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
nathalie.ouellette.2@umontreal.ca
613-531-1762
You must be logged in to post a comment.