2024

Les astronomes de l’IREx sondent un « monde de vapeur »

Les astronomes ont montré que l’atmosphère de la planète contient une forte concentration de molécules plus lourdes, dont une accumulation substantielle de vapeur d’eau.
Crédit : NASA, ESA, Leah Hustak (STSCI), Ralf Crawford (STSCI).
Les astronomes ont montré que l’atmosphère de la planète contient une forte concentration de molécules plus lourdes, dont une accumulation substantielle de vapeur d’eau. Crédit : NASA, ESA, Leah Hustak (STSCI), Ralf Crawford (STSCI).

Un récent article publié dans Astrophysical Journal Letters, dirigé par Caroline Piaulet-Ghorayeb, candidate au doctorat à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx) de l’Université de Montréal, en collaboration avec des chercheurs du monde entier, a révélé de nouvelles informations sur l’atmosphère de l’exoplanète GJ 9827 d en utilisant le télescope spatial James Webb (JWST). L’étude a révélé que l’atmosphère de la planète contient une forte concentration de molécules lourdes, dont une quantité importante de vapeur d’eau.

GJ 9827 d, une planète en orbite autour de l’étoile GJ 9827 dans la constellation des Poissons, est située à environ 98 années-lumière de la Terre. Au début de l’année, les chercheurs de l’IREx, utilisant les données du télescope spatial Hubble (HST), ont annoncé la détection d’eau dans l’atmosphère de GJ 9827 d, ce qui en fait, avec une taille environ deux fois supérieure à celle de la Terre, la plus petite exoplanète dont l’atmosphère a été confirmée à ce jour. Ensemble, ces découvertes importantes ouvrent de nouvelles voies pour la recherche de vie au-delà de notre système solaire et améliorent notre compréhension de la formation et de la composition des planètes.

 

Comprendre les atmosphères autour des mini-Neptunes et des super-Terres

Caroline Piaulet-Ghorayeb, candidat au doctorat à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes et à l’Université de Montréal, est l’auteur principal de l’article scientifique. (Crédit : C. Piaulet-Ghorayeb)

Pendant des années, les scientifiques se sont concentrés sur la détection d’atmosphères sur les grandes géantes gazeuses et les mini-Neptunes – des planètes beaucoup plus grandes que la Terre et dont l’atmosphère est dominée par l’hydrogène, comme Jupiter et Neptune dans notre système solaire. Cependant, la détection d’atmosphères autour de planètes plus petites, plus proches de la taille de la Terre, est restée un objectif difficile à atteindre. GJ 9827 d, qui fait environ deux fois la taille de la Terre, représente un grand pas en avant dans cette quête.

L’auteur principal, Caroline Piaulet-Ghorayeb, a souligné l’importance de cette étude : « Pour l’instant, toutes les planètes pour lesquelles nous avons détecté une atmosphère sont des planètes géantes, ou au mieux des mini-Neptunes. Ces planètes ont des atmosphères composées principalement d’hydrogène, ce qui les rend plus semblables aux géantes gazeuses du système solaire qu’aux planètes terrestres comme la Terre, dont les atmosphères sont dominées par des éléments plus lourds. »

 

L’atmosphère unique de GJ 9827 d

GJ 9827 d se distingue par la composition de son atmosphère. Contrairement aux atmosphères des grosses planètes dominées par l’hydrogène, les travaux de Piaulet-Ghorayeb, combinant les données JWST/NIRISS et HST, révèlent que l’atmosphère de GJ 9827 d est riche en molécules plus lourdes, avec une présence significative de vapeur d’eau. Cela contraste avec les atmosphères dominées par l’hydrogène observées sur des exoplanètes plus grandes comme les géantes gazeuses et les mini-Neptunes. Cette découverte marque la première détection solide d’une atmosphère d’exoplanète où l’hydrogène n’est pas le composant dominant, suggérant plutôt une atmosphère plus lourde et riche en eau. Piaulet-Ghorayeb s’est exprimée sur cette découverte : « Pour GJ 9827 d, nous avons déterminé la présence d’eau dans une atmosphère dont la composante dominante n’est pas l’hydrogène. Cela signifie que la planète possède une atmosphère lourde dont le poids moléculaire est plus proche des atmosphères riches en dioxyde de carbone ou en azote que nous recherchons actuellement sur les petites planètes rocheuses, où nous pourrions éventuellement chercher de la vie. »

 

Observations de pointe avec le NIRISS du JWST

Les résultats détaillés dans cet article récent ont été rendus possibles grâce aux observations effectuées avec l’instrument canadien du JWST, le NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph, ou imageur dans le proche infrarouge et spectrographe sans fente). Grâce à la spectroscopie par transmission, l’équipe a analysé la lumière stellaire traversant l’atmosphère de la planète lors de son passage devant son étoile hôte, GJ 9827. L’équipe a combiné les nouvelles observations du JWST avec les précédentes observations du HST pour montrer avec certitude que les caractéristiques spectrales observées sont dues à l’atmosphère de la planète et non à une contamination par l’étoile du système. Grâce aux données de JWST/NIRISS SOSS, les scientifiques peuvent enfin distinguer deux types d’atmosphères pour la planète : une atmosphère nuageuse avec peu d’éléments plus lourds, où l’eau n’est présente qu’à l’état de traces et où l’hydrogène est le composant principal, et une atmosphère à haute densité où les éléments plus lourds, tels que l’eau, sont abondants… Piaulet-Ghorayeb et son équipe ont découvert que l’atmosphère de GJ 9827 d est plus dense, probablement riche en éléments plus lourds, et contient beaucoup de vapeur d’eau. La planète étant proche de son étoile, l’atmosphère est probablement un mélange de gaz et d’un état dense et surchauffé, plutôt que des couches ou des nuages distincts.

 

Implications pour la recherche de la vie

Bien que l’on ne pense pas que GJ 9827 d soit habitable en raison de sa proximité avec son étoile hôte et des températures de surface élevées qui en résultent (environ 350 degrés Celsius), cette découverte constitue un grand pas en avant dans la recherche d’environnements habitables. La présence d’une atmosphère lourde et riche en eau sur une petite planète comme GJ 9827 d prouve que de telles atmosphères existent et peuvent être étudiées avec la précision du JWST, ce qui rend plus plausible la perspective de trouver des planètes habitables semblables à la Terre. Piaulet-Ghorayeb a souligné l’impact plus large de cette découverte : « Il s’agit d’un grand pas en avant vers la recherche d’atmosphères autour de petites planètes semblables à la Terre. GJ 9827 d est la première planète où nous détectons une atmosphère riche en molécules lourdes comme celle des planètes terrestres du système solaire, et le premier exemple confirmé d’un « monde à vapeur » dont l’existence est proposée depuis longtemps par la communauté scientifique. »

 

Un pas vers la compréhension des « mondes à vapeur »

L’atmosphère de GJ 9827 d, riche en vapeur d’eau et en éléments plus lourds, constitue un exemple unique de « monde à vapeur » potentiel. On suppose que ces planètes ont une atmosphère épaisse et riche en eau, sans glace ni eau liquide à la surface, et qu’elles conservent une atmosphère de vapeur en raison de leur proximité avec leur étoile hôte. Cette découverte confirme l’existence de ces planètes, que l’on peut considérer comme des analogues plus grands des lunes glacées Europe et Ganymède, mais suffisamment proches de l’étoile pour que l’eau soit sous forme de vapeur dans l’atmosphère, plutôt que sous une couche de glace.

D’autres observations de GJ 9827 d par le JWST sont prévues dans les mois à venir, ce qui pourrait permettre d’en savoir plus sur les composants de son atmosphère de vapeur. La détection de l’atmosphère unique de GJ 9827 d ouvre de nouvelles perspectives pour l’étude d’autres petites planètes et de leur potentiel d’accueil de la vie.

Grâce à des télescopes de pointe comme le JWST, les astronomes canadiens sont prêts à faire d’autres découvertes révolutionnaires dans les années à venir.

 

L’article « JWST/NIRISS Reveals the Water-rich « Steam World » Atmosphere of GJ 9827 d » a été publié le 4 octobre 2024 dans la revue Astrophysical Journal Letters. Le premier auteur est Caroline Piaulet-Ghorayeb, candidat au doctorat à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal. Les autres chercheurs de l’iREx qui ont contribué à cet article sont Björn Benneke (UdeM), Michael Radica (UdeM), Louis-Philippe Coulomb (UdeM), Pierre-Alexis Roy (UdeM), Romain Allart (UdeM), Charles Cadieux (UdeM), et David Lafrenière (UdeM). Les autres contributeurs proviennent de l’Université du Michigan, Max Planck Institute for Astronomy, Space Research Institute, l’Université de Colorado, Leiden Observatory, l’Université de Washington, et SRON Netherlands Institute for Space Research.

 

Pour plus d’information

 

Contacts scientifiques

Caroline Piaulet-Ghorayeb

Candidat au doctorat

caroline.piaulet@umontreal.ca

 

Prof. Björn Benneke

Professeur

bjorn.benneke@umontreal.ca

 

Contact pour les médias

Dr. Heidi White

Scientifique chargée des communications scientifique pour le JWST

heidi.white@umontreal.ca