Le Near-InfraRed Planet Searcher (NIRPS) est un tout nouveau spectrographe à haute résolution conçu pour détecter des exoplanètes, ces planètes qui orbitent autour d’étoiles autres que notre Soleil, et étudier leurs atmosphères. Dans une étude publiée aujourd’hui dans la revue Astronomy & Astrophysics, l’équipe internationale derrière NIRPS présente la conception de l’instrument, ses premières observations et ses premiers résultats scientifiques.
Installé sur le télescope de 3,6 mètres de l’Observatoire de La Silla, au Chili, NIRPS a officiellement débuté sa mission scientifique en avril 2023. Son développement et sa construction ont été rendus possibles grâce à la collaboration d’un large consortium réunissant des scientifiques du Canada, de la Suisse, de l’Espagne, du Portugal, de la France et du Brésil, avec le soutien précieux de l’Observatoire Européen Austral (ESO). Plus de 140 spécialistes ont contribué au projet, dont une équipe importante de l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM) et de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx).
Ci-dessus: L’instrument NIRPS installé sur le télescope de 3,6 m à La Silla, au Chili. Ci-dessous : un spectre de l’étoile Proxima Centauri, notre voisine la plus proche, obtenu lors de tests préliminaires en juin 2023. Crédit: Etienne Artigau
Conçu pour observer dans l’infrarouge proche, NIRPS cible particulièrement les étoiles froides et rouges appelées naines M, qui sont les plus nombreuses dans la galaxie. Ces étoiles émettent leur lumière principalement dans l’infrarouge, ce qui rend NIRPS idéal pour détecter des planètes de petite taille, semblables à la Terre, en orbite autour de ces astres. L’instrument est aussi particulièrement bien adapté à l’étude des atmosphères d’exoplanètes. NIRPS a été conçu pour fonctionner en tandem avec un autre spectrographe bien connu nommé HARPS (High Accuracy Radial velocity Planet Searcher), qui observe dans le visible et opère sur le même télescope depuis 2003. Ensemble, NIRPS et HARPS offrent la capacité rare d’observer une même étoile à la fois dans le visible et dans l’infrarouge, ce qui permet de mieux distinguer les véritables signaux planétaires du « bruit » causé par l’activité stellaire (comme les éruptions, les tâches ou l’activité magnétique), qui peut parfois imiter la présence d’une planète. De plus, NIRPS est équipé d’un système d’optique adaptative, qui corrige les distorsions causées par l’atmosphère de la Terre, améliorant ainsi la qualité des images tout en gardant l’instrument compact et efficace.
«NIRPS est le fruit de l’expérience acquise avec les spectrographes précédents, de technologies innovantes et d’une collaboration internationale exceptionnelle », explique François Bouchy, de l’Observatoire de Genève et professeur à l’Université de Genève, auteur principal de l’étude et co-chercheur principal de NIRPS. « Nous sommes fiers du travail accompli et impatients de voir ce que l’avenir nous réserve.»
NIRPS à la recherche d’exoplanètes
NIRPS et HARPS détectent des exoplanètes en utilisant la méthode des vitesses radiales. Celle-ci a pour objectif de détecter les minuscules mouvements de va-et-vient d’une étoile causés par la présence d’une planète en orbite. Même si la planète n’est pas visible directement, on peut en inférer sa présence en mesurant ces variations infimes de la vitesse de l’étoile. Détecter une planète aussi légère que la Terre autour d’une naine M est un défi de taille: cela nécessite une précision de l’ordre d’un mètre par seconde (ou 3,6 km/h). Une telle précision est déjà difficile à atteindre dans le visible, et encore plus en infrarouge, le domaine dans lequel opère NIRPS. En plus de détecter les planètes, NIRPS permet aussi d’analyser leurs atmosphères. Sa sensibilité à l’infrarouge rend possible la détection de signatures chimiques clés comme la vapeur d’eau, l’hélium ou le méthane.
«NIRPS nous permet d’explorer une portion du spectre électromagnétique avec une précision jamais atteinte auparavant », souligne René Doyon, directeur de l’OMM et de l’IREx, professeur à l’Université de Montréal et co-chercheur principal de NIRPS. « Pour la première fois, nous atteignons une précision inférieure au mètre par seconde en infrarouge, comparable à celle des meilleurs instruments dans le visible.»
En échange de la construction de l’instrument, le consortium s’est vu accorder par l’ESO 725 nuits d’observation garanties avec NIRPS. Ce temps d’observation est utilisé par l’équipe scientifique de NIRPS pour trois objectifs principaux : chercher des planètes autour de naines M, mesurer la masse de planètes connues découvertes par d’autres méthodes, et étudier les atmosphères d’un éventail varié d’exoplanètes.
«Dans le cadre du temps d’observation garanti, nous avons accès à 40 % du temps du télescope de 3,6 mètres, ce qui signifie que nous recevons de nouvelles données presque chaque jour! » explique Lison Malo, gestionnaire de projet de l’instrument NIRPS à l’OMM et à l’IREx. « Cela permet à une grande équipe d’astronomes de travailler en continu avec de nouvelles observations provenant de NIRPS.»
Premiers résultats de NIRPS
NIRPS a démontré sa puissance scientifique dès ses premiers mois d’opération. Une équipe menée par Alejandro Suárez Mascareño de l’Instituto de Astrofísica de Canarias et de l’Université de La Laguna, Espagne) a confirmé la présence de Proxima Centauri b, une planète semblable à la Terre située dans la zone habitable de notre étoile la plus proche. L’équipe a également trouvé des indices d’une seconde planète, encore moins massive, en orbite autour de la même étoile. Ceci souligne la grande sensibilité de NIRPS aux planètes de faible masse. Ces résultats sont détaillés dans une étude publiée aujourd’hui dans Astronomy & Astrophysics.
Une autre étude, également publiée aujourd’hui et dirigée par Romain Allart de l’IREx à l’Université de Montréal, révèle la présence d’une queue de gaz d’hélium s’échappant de l’atmosphère de WASP-69 b, une exoplanète de la masse de Saturne. Cette observation parmi les plus détaillées à ce jour apporte de nouvelles informations sur l’évolution des atmosphères planétaires sous l’effet du rayonnement stellaire intense.
«Grâce à la qualité exceptionnelle des données de NIRPS, on peut étudier les atmosphères d’exoplanètes en détail comme jamais auparavant », explique Romain Allart. « Avec le temps d’observation garanti, nous pouvons suivre les mêmes étoiles et leurs planètes pendant plusieurs années pour comprendre l’évolution de leur climat.»
L’avenir de NIRPS
NIRPS jouera un rôle clé dans l’identification des cibles les plus prometteuses pour un suivi atmosphérique avec le télescope spatial James Webb (JWST), et plus tard, dans la recherche de biosignatures avec le futur Télescope Géant Européen (ELT), actuellement en construction.
Il sert également de banc d’essai pour le développement du spectrographe ANDES (ArmazoNes high Dispersion Echelle Spectrograph), un instrument de deuxième génération destiné à l’ELT. L’un des objectifs scientifiques de NIRPS est d’étudier les étoiles les plus proches du Soleil et d’identifier des systèmes planétaires qui constitueront des cibles idéales pour ANDES. NIRPS agit ainsi comme un prototype pour cet instrument futur, partageant plusieurs caractéristiques technologiques clés comme la spectroscopie à haute résolution en infrarouge et l’optique adaptative, des capacités essentielles pour sonder les atmosphères de planètes semblables à la Terre à la recherche de signes de vie.
À propos des études
“NIRPS joining HARPS at the ESO 3.6m : On-sky performance and science objectives”, mené par François Bouchy de l’Observatoire de Genève à Université de Genève, a été publié aujourd’hui dans la revue Astronomy & Astrophysics. L’équipe inclut aussi 32 co-auteurs de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes et de l’Observatoire du Mont-Mégantic, et 109 autre co-auteurs de l’Allemagne, du Brésil, du Canada, du Chile, de l’Espagne, de la France, du Portugal, et de la Suisse.
“Diving into the planetary system of Proxima with NIRPS : Breaking the metre per second barrier in the infrared” par Alejandro Suárez Mascareño, a été publié aujourd’hui dans la renuveAstronomy & Astrophysics. L’équipe inclut aussi 37 co-auteurs de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes et de l’Observatoire du Mont-Mégantic, et 101 autre co-auteurs de l’Allemagne, du Brésil, du Canada, du Chile, de l’Espagne, de la France, du Portugal, et de la Suisse.
“NIRPS detection of delayed atmospheric escape from the warm and misaligned Saturn-mass exoplanet WASP-69 b?”, mené par Romain Allart de l’IREx, a été publié aujourd’hui dans la revue Astronomy & Astrophysics. L’équipe inclut aussi 26 co-auteurs de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes et de l’Observatoire du Mont-Mégantic, et 113 autre co-auteurs de l’Allemagne, du Brésil, du Canada, du Chile, de l’Espagne, de la France, du Portugal, et de la Suisse.
Contact média
Frédérique Baron
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes / Observatoire du Mont-Mégantic
Université de Montréal
frederique.baron@umontreal.ca
+1 514-343-6111 #3195
Contacts scientifiques
René Doyon
Chercheur
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes/ Observatoire du Mont-Mégantic
Université de Montréal
rene.doyon@umontreal.ca
Lison Malo
Chercheuse
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes/ Observatoire du Mont-Mégantic
Université de Montréal
lison.malo@umontreal.ca
Romain Allart
Chercheur
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
romain.allart@umontreal.ca
+1 438 345 9086
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