Romain Allart, chercheur postdoctoral Trottier à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l’Université de Montréal, a récemment mené une étude qui a permis d’examiner onze exoplanètes géantes gazeuses avec l’instrument SPIRou, un spectrographe conçu en partie dans les laboratoire de l’Observatoire du Mont-Mégantic, et installé sur le télescope Canada-France-Hawaii. Il répond à nos questions sur cette étude, qui a fait l’objet d’une publication dans la revue Astronomy & Astrophysics dans l’édition du 22 juin 2023.
iREx : Peux-tu nous en dire plus sur ce que vous avez fait?
Romain : Grâce à SPIRou, notre équipe a étudié onze exoplanètes géantes – dont la masse va d’un peu moins que celle de Neptune à un peu plus de celle de Jupiter.
On suspecte que ces exoplanètes, qui sont toutes très proches de leur étoile, perdent une partie de leur atmosphère, soufflée par cette dernière. Afin de déterminer si c’est le cas, on a tenté de détecter la présence d’hélium dans l’atmosphère de ces exoplanètes. On sait que ce gaz, très léger, permet de mesurer à l’étendue de l’atmosphère des planètes, et à quel point cette atmosphère s’échappe dans l’espace.
iREx : Pourquoi étudier des planètes de cette taille en particulier?
Romain : On connait maintenant des milliers d’exoplanètes, et un de nos objectifs est à présent de mieux comprendre comment ces différents mondes se forment et évoluent.
Pour ce projet en particulier, un but principal que nous avions était de comprendre pourquoi il y a très peu de planètes de la taille de Neptune très proches de leur étoile, alors qu’on trouve des planètes plus petites et plus grosses à ces faibles distances. C’est une observation que les astronomes appellent le « désert des Neptunes ».
Une explication possible serait qu’à cause du rayonnement de l’étoile, les exoplanètes de cette taille pourraient être gonflées, avec une atmosphère très étendue, et qu’une partie de celle-ci pourrait s’évaporer. En perdant une portion de leur atmosphère, ces planètes deviendraient donc plus petites.
iREx : Qu’avez-vous découvert?
Romain : Pour trois exoplanètes, nous avons confirmé la présence d’hélium, qui avait précédemment été annoncée par d’autres équipes (y compris une que j’avais menée pendant ma thèse en Suisse!) Avec nos obervations, on a tenté de déterminer à quel point ces planètes perdent leur atmosphère, dans quelle direction, etc. Mais ces calculs demeurent difficiles!
Pour les autres, nous n’avons rien détecté, ce qui nous permet d’affirmer qu’il n’y a pas plus qu’une certaine quantité d’hélium qui s’échappe de l’atmosphère. Cela ne veut pas dire assurément que ces planètes ne perdent pas leur atmosphère, mais c’est un début de réponse!
iREx : Qu’est-ce qui distingue votre étude de ce qui avait été fait avant?
Romain : Quelques études avaient été faites pour chercher la présence d’hélium sur une poignée d’exoplanètes, mais c’est la première fois qu’on étudie de manière uniforme un grand nombre d’exoplanètes. Cela est essentiel afin d’éliminer d’autres raisons qui pourrait expliquer la détection ou non de l’hélium, par exemple des causes liées aux instruments, à la manière d’analyser les résultats ou encore à l’activité stellaire des étoiles.
iREx : Qu’est-ce qui te plaît dans ce sujet?
Romain : D’abord, je trouve fascinant de penser que des exoplanètes peuvent perdre leur atmosphère. On imagine que ça pourrait avoir l’air d’une queue qui traine derrière ces planètes, un peu comme celle des comètes!
De manière générale, je suis enthousiaste à l’idée qu’on commence à faire des analyses plus statistiques des atmosphères d’exoplanètes. Je crois que c’est en étudiant simultanément et de manière uniforme l’atmosphère de plusieurs exoplanètes qu’on percera les mystères de comment les exoplanètes se forment et évoluent.
iREx : Quelle importance cette étude a eu dans votre carrière d’astrophysicien?
Romain : Une grande! J’ai amorcé cette étude quand je suis arrivé comme chercheur à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) en 2021. Pour la mener, j’ai exploité des données obtenues par des étudiant.e.s du groupe et d’autres obtenues dans le cadre du grand relevé de planètes de SPIRou, mené par une équipe internationale qui comprend plusieurs Canadiens. Ça m’a permis de mieux m’intégrer à l’équipe de l’iREx à Montréal et de développer de nouvelles collaborations.
D’un point de vue plus technique, me familiariser avec l’instrument SPIRou m’a permis de mieux me préparer pour mener un ambitieux programme d’observation sur un instrument très similaire, NIRPS, installé récemment au télescope de 3,6 m de l’Observatoire Austral Européen.
iREx : Quelle est la suite?
Romain : Justement, nous amorçons présentement l’étude de l’atmosphère de plus de 75 exoplanètes avec NIRPS. Cette étude, qui s’étendra sur 5 ans, permettra d’étendre notre étude à un plus grand nombre de planètes.
Nous espérons ainsi percer le secret de l’origine du désert des Neptunes chaudes et mieux comprendre l’évolution des planètes en général!
Note : Cette entrevue a été éditée à des fins de clarté et de concision.
L’article « Homogeneous search for helium in the atmosphere of 11 gas giant exoplanets with SPIRou » a été publié le 22 juin 2023 dans la revue Astronomy & Astrophysics (version libre de droits sur arXiv). Outre Romain Allart, l’équipe comprend David Lafrenière, Étienne Artigau, Neil Cook, Antoine Darveau-Bernier, Lisa Dang, Charles Cadieux, Anne Boucher, Stefan Pelletier, Michael Radica, Björn Benneke, Nicolas Cowan et René DOyon de l’iREx, de même que Pierrot-Baptiste Lemée-Jolicoeur et Ryan Cloutier, deux anciens étudiants de l’iREx et 18 autres co-auteurs de la Suisse, du Chili, de la France, des États-Unis, de Taiwan, de la Hongrie, de l’Allemagne, du Brésil et des Pays-Bas.
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