2024

Prix Marie-Victorin: une étoile de plus pour René Doyon

René Doyon. Crédit : Joanie Fortin
René Doyon. Crédit : Joanie Fortin

René Doyon, professeur au Département de physique de l’Université de Montréal, est le récipiendaire 2024 du prix Marie-Victorin. Décernée par le gouvernement du Québec, cette prestigieuse reconnaissance est accordée à une personne qui a mené une carrière remarquable en recherche dans le domaine des sciences naturelles et du génie.

Directeur de notre institut, l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx), et de l’Observatoire du Mont-Mégantic, René Doyon n’en est pas à sa première grande distinction. En 2023, il recevait la plus haute marque de reconnaissance de la NASA, alors que l’année précédente il était sacré scientifique de l’année 2022 par Radio-Canada pour la seconde fois.

Le chercheur s’illustre grâce à son expertise unique en conception d’instruments astronomiques visant notamment à étudier ces nouveaux mondes que constituent les exoplanètes. Il est réputé mondialement pour ses travaux ayant mené à la première photographie d’un système planétaire, ainsi que pour sa contribution au développement de NIRISS, l’instrument canadien à bord du fameux télescope spatial James-Webb (JWST).

Petite parenthèse dans son inlassable recherche de vie extraterrestre – ce qu’il qualifie de son «obsession professionnelle» –, l’astrophysicien étoilé partage ses succès et ses aspirations avec UdeMNouvelles.

UdeMNouvelles : Quels sont les accomplissements qui, selon vous, vous valent le prix Marie-Victorin?

René : Il y en a plusieurs, mais la plupart gravitent autour du développement d’instrumentation astronomique d’avant-garde qui sont, avec les télescopes, la source des grandes découvertes astronomiques. Ceci inclut la conception et la construction de machines complexes, mais également le développement d’algorithmes tout aussi complexes de traitement de données qui permettent d’harnacher toute la puissance de ces instruments.

Je suis aussi très fier d’avoir rassemblé le public derrière mon grand rêve de créer un institut de recherche ciblé sur les exoplanètes, l’IREx, qui fête cette année son dixième anniversaire. Sa mission est non seulement de positionner le Québec dans le peloton de tête mondial pour la recherche sur les exoplanètes, mais aussi de partager cette grande odyssée scientifique avec le public, des tout-petits jusqu’aux plus grands.

UdeMNouvelles : Avez-vous dû faire des sacrifices pour vous rendre où vous êtes aujourd’hui?

René : J’ai envie de dire non, car je suis passionné par mon travail et prêt à y mettre le temps (et la patience!) qu’il nécessite. Je dirais que c’est davantage ma famille qui a souffert un peu de mes absences fréquentes associées aux nombreux voyages, en particulier ceux liés aux travaux du JWST qui se sont échelonnés sur 20 ans de ma vie professionnelle. Mais j’aime croire avoir trouvé un juste équilibre entre ma vie professionnelle et personnelle.

UdeMNouvelles : Quand on étudie l’astrophysique et les sciences exoplanétaires, est-ce qu’on a l’impression de se rapprocher de l’humain ou de s’en éloigner?

René : On s’en approche bien sûr, indirectement et directement! Étudier les mondes lointains, plus généralement relever la beauté de l’Univers, c’est mettre en perspective notre vaisseau spatial si précieux, cette belle petite planète bleue si unique et, surtout, si fragile! Et tout ce travail ne peut se faire sans un travail d’équipe qui rapproche les gens à l’échelle de toute la planète. Les astrophysiciens et les astrophysiciennes sont de grands rêveurs, et les rêves sont très rassembleurs.

UdeMNouvelles : Quelle importance accordez-vous au travail d’équipe?

René : Il est central et fondamental à tout ce que je fais et tout ce que j’ai accompli! C’est peut-être un cliché, mais le tout sera toujours plus fort que la simple somme des parties. Je ne résonne qu’à la première partie de la devise des trois mousquetaires: «Un pour tous». Je ne suis que le maestro d’un orchestre scientifique bien accordé. S’il m’est une force c’est celle de rassembler les gens et de canaliser leur énergie. Je reçois ce prix avec beaucoup d’humilité, car je le considère aussi celui de toute mon équipe, un puit sans fond d’énergie et d’inspiration. Chaque jour, ils et elles soufflent avec force hors de ma tête le mot «retraite» qui commence inévitablement à y trotter!

UdeMNouvelles : Justement, quelle est votre vision pour la suite des choses?

René : À court terme (quelques années), contribuer à la découverte d’une atmosphère autour d’une planète tempérée qui pourrait aussi impliquer l’existence d’eau liquide à sa surface. Cette découverte est à la portée du JWST. Dans un horizon d’une dizaine d’années, participer au prochain grand chapitre de la recherche de vie extraterrestre qui se déclinera sur la prochaine génération de télescopes géants au sol, notamment le télescope de 39 mètres du Extremely Large Telescope qui sera en opération en 2028.

Toute mon équipe et moi travaillons de pair avec un consortium européen de 13 pays pour la construction d’un instrument qui sera notamment capable de détecter des biosignatures dans les atmosphères de planètes tempérées les plus rapprochées du Soleil. Mon souhait le plus cher est que des scientifiques du Québec participent activement à cette grande découverte de la présence de vie extraterrestre au-delà du système solaire.

Mais il faut constamment revenir sur Terre. C’est un effort constant d’assurer la pérennité de cette activité scientifique. C’est peut-être le défi le plus important de toute ma carrière que de convaincre nos décideurs publics et privés de l’importance et la pertinence de la recherche fondamentale. Répondre aux grandes questions scientifiques nécessite le développement de nouvelles technologies et connaissances avancées qui, tôt ou tard, finissent par servir le bien commun.

Je suis profondément convaincu que le salut et la survie de l’humanité sur cette petite planète passent ultimement par l’assouvissement de sa curiosité. C’est la racine commune de l’innovation et la créativité qui s’expriment dans toutes les sphères des activités humaines, dans les sciences et la culture.

par : Béatrice St-Cyr-Leroux, UdeMNouvelles

 

À propos du prix Marie-Victorin

Le prix Marie-Victorin est décerné depuis 1977 à une personne qui a mené une carrière remarquable en recherche dans le domaine des sciences naturelles et du génie, mais dont les travaux ne relèvent pas du domaine biomédical. Les disciplines reconnues pour ce prix sont les sciences exactes et naturelles, les sciences de l’ingénierie et technologiques ainsi que les sciences agricoles.