2024

Une feuille de route explique comment améliorer l’étude des exoplanètes à l’aide du JWST

Le télescope spatial James Webb montre plusieurs planètes TRAPPIST-1 dispersées sur un fond de carte avec une ligne pointillée rouge autour d'elles. (Crédit : Paige Colley/NASA/JPL-Caltech)
Le télescope spatial James Webb montre plusieurs planètes TRAPPIST-1 dispersées sur un fond de carte avec une ligne pointillée rouge autour d'elles. (Crédit : Paige Colley/NASA/JPL-Caltech)

Une coalition de scientifiques a élaboré un guide étape par étape pour exploiter le potentiel du télescope spatial James Webb afin d’identifier des mondes habitables dans l’Univers.

par Paige Colley (EAPS News, MIT), adapté par Nathalie Ouellette

Le lancement du télescope spatial James Webb (JWST) en 2021 a marqué le début d’une nouvelle ère passionnante pour la recherche d’exoplanètes, en particulier pour les scientifiques qui s’intéressent aux planètes rocheuses en orbite autour d’étoiles autres que notre Soleil. Mais trois ans après le début de la mission du télescope, certains scientifiques se sont heurtés à des difficultés qui ont ralenti les progrès.

Dans un article publié dans Nature Astronomy, l’initiative communautaire TRAPPIST-1 du JWST établit une feuille de route étape par étape pour surmonter les difficultés rencontrées lors de l’étude du système TRAPPIST-1 en améliorant l’efficacité de la collecte de données au profit de l’ensemble de la communauté astronomique.

« Toute une communauté d’experts s’est réunie pour relever ces défis interdisciplinaires complexes et concevoir la première stratégie d’observation pluriannuelle afin de donner au JWST une chance d’identifier des mondes habitables pendant toute sa durée de vie », explique Julien de Wit, professeur au département des sciences de la Terre, de l’atmosphère et des planètes (EAPS) du MIT et l’un des premiers auteurs de l’article.

 

Deux pour le prix d’un

Situé à 41 années-lumière de la Terre, le système TRAPPIST-1 et ses sept planètes offrent une occasion unique d’étudier un vaste système comportant plusieurs planètes de compositions différentes, semblable à notre propre Système solaire.

« C’est une cible de rêve : il n’y a pas une, mais peut-être trois planètes dans la zone habitable, ce qui permet de faire des comparaisons dans le même système », explique René Doyon, directeur de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) et professeur à l’Université de Montréal, qui a codirigé l’étude avec M. de Wit. « Il n’existe qu’une poignée de planètes rocheuses tempérées bien caractérisées dont nous pouvons espérer détecter l’atmosphère, et la plupart d’entre elles se trouvent dans le système TRAPPIST-1 ».

Les astronomes comme de Wit et Doyon étudient les atmosphères des exoplanètes grâce à une technique appelée spectroscopie de transmission, qui consiste à observer la façon dont la lumière des étoiles traverse l’atmosphère potentielle d’une planète afin de déterminer les éléments qui y sont présents. Les spectres de transmission sont recueillis lorsque la planète passe devant son étoile hôte.

Les planètes du système TRAPPIST ont des périodes orbitales courtes. Par conséquent, leurs transits se chevauchent fréquemment. Les périodes d’observation des transits sont généralement réparties sur des fenêtres de cinq heures et, lorsqu’elles sont correctement programmées, près de la moitié d’entre elles permettent d’observer au moins deux transits. Ce « deux pour un » permet d’économiser du temps et de l’argent tout en doublant la collecte de données.

 

Contamination stellaire

Reflet d’une étoile et de quelques exoplanètes dans le miroir du télescope spatial James Webb. (Crédit : D. Berardo/MIT).

Les étoiles ne sont pas uniformes ; leur surface peut varier en température, créant des points plus ou moins chauds. Des molécules telles que la vapeur d’eau peuvent se condenser dans les zones froides et interférer avec les spectres de transmission. Les informations stellaires de ce type peuvent être difficiles à distinguer du signal d’une exoplanète et donner de fausses indications sur la composition atmosphérique de la planète, créant ainsi ce que l’on appelle la « contamination stellaire ». Bien qu’elle ait souvent été ignorée, l’amélioration des capacités du JWST a révélé les problèmes que pose la contamination stellaire lors de l’étude des atmosphères planétaires.

Ces difficultés liées à la contamination stellaire ont déjà été mises en évidence dans de nombreuses études présentant des résultats du JWST, notamment à l’iREx celles d’Olivia Lim sur l’exoplanète TRAPPIST-1 b et de Marylou Fournier-Tondreau sur la planète chaude HAT-P-18 b.

« Considérer l’étoile hôte du système fait une grande différence ! Dans notre article sur HAT-P-18 b, c’est en fait la première fois que nous avons clairement distingué la signature des brumes de la planète de celle des taches stellaires, grâce à l’instrument canadien NIRISS sur le JWST », a expliqué Marylou Fournier-Tondreau.

« En plus de la contamination par les taches stellaires et les facules, nous avons observé une éruption stellaire, un événement imprévisible au cours duquel l’étoile devient plus brillante pendant plusieurs minutes ou plusieurs heures », mentionne Olivia Lim, racontant sa propre expérience avec le système TRAPPIST-1. « Cette éruption a affecté notre mesure de la quantité de lumière bloquée par la planète. De telles signatures de l’activité stellaire sont difficiles à modéliser, mais nous devons en tenir compte pour être sûrs d’interpréter correctement les données. »

 

Au-delà de TRAPPIST-1

Le télescope spatial James Webb pointe les planètes TRAPPIST-1 dans une rangée dans l’espace. Une ligne rouge en pointillés serpente entre le télescope et les plantes. En chemin, elle tourne autour d’un panneau indiquant « observation d’exoplanètes ». (Crédit : Paige Colley/NASA/JPL-Caltech/ ESA/CSA/STScI)

La feuille de route actuelle est née des efforts de l’initiative communautaire TRAPPIST-1 du JWST visant à rassembler des programmes distincts axés sur des planètes individuelles, ce qui les empêchait d’exploiter les fenêtres optimales d’observation des transits.

« Nous avons compris très tôt que cet effort nécessiterait un village pour éviter les pièges de l’efficacité des petits programmes d’observation », explique M. de Wit. « Nous espérons maintenant qu’un effort communautaire à grande échelle, guidé par la feuille de route, pourra être lancé pour produire des résultats en temps voulu ». M. de Wit espère qu’il sera possible d’identifier des mondes habitables autour de TRAPPIST-1 d’ici une dizaine d’années.

De Wit et Doyon pensent tous deux que le système TRAPPIST-1 est le meilleur endroit pour mener des recherches fondamentales sur les atmosphères des exoplanètes, qui s’étendront à des études menées dans d’autres systèmes. Doyon pense que « le système TRAPPIST-1 sera utile non seulement pour TRAPPIST-1 lui-même, mais aussi pour apprendre à corriger très précisément l’activité stellaire, ce qui sera bénéfique pour de nombreux autres programmes de spectroscopie de transmission également affectés par l’activité stellaire ».

« Nous avons à portée de main des réponses fondamentales et transformatrices, ainsi qu’une feuille de route claire pour y parvenir », déclare M. de Wit. « Il ne nous reste plus qu’à la suivre avec diligence.

 

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