Une nouvelle planète vient d’être détectée autour de Gliese 410, une étoile située à 39 années-lumière du Soleil dans la constellation du Lion. Cette découverte a été faite à l’aide du spectropolarimètre SPIRou, installé sur le télescope Canada-France-Hawaiʻi au sommet du Maunakea, et du spectrographe SOPHIE de l’Observatoire de Haute Provence. Plusieurs membres de l’IREx ont contribué à cette découverte, publiée la semaine dernière dans la revue Astronomy & Astrophysics.
Étienne Artigau, chercheur senior, a accepté de répondre à nos questions sur cette découverte.
IREx : Pourrais-tu nous expliquer ce qui est spécial à propos de cette découverte?
Étienne : La plupart des étoiles qui se trouvent proche du Soleil, ce qu’on appelle le « voisinage solaire », sont des étoiles de faible masse, des naines rouges. C’est le cas de Gliese 410, aussi appelée DS Leonis, qui fait environ la moitié de la masse du Soleil. Ces étoiles sont moins brillantes et les planètes qui sont en orbite autour tendent à être moins massives que celles autour des étoiles comme le Soleil. On y retrouve rarement, par exemple, des planètes comparables à Jupiter. Il est donc assez difficile de les détecter.
C’est grâce à des observations faites sur plusieurs années, avec deux instruments distincts, que l’équipe, menée par Andres Carmona de l’Université de Grenoble Alpes, a pu révéler un mouvement périodique de l’étoile Gliese 410 qui est dû à la présence d’une planète, Gliese 410 b.
IREx : Que sait-on sur cette planète?
Étienne : On a pu mesurer sa masse, qui serait au minimum huit fois la masse de la Terre. Elle est donc un peu plus plus légère de Neptune, qui fait dix-sept fois la masse de la Terre. Malheureusement, cette planète ne passe pas devant son étoile, elle ne « transite » pas. Il a été impossible de la repérer dans les observations du télescope spatial TESS. Sa taille demeure donc inconnue, et sa nature exacte est par conséquent incertaine. Ça pourrait être une planète rocheuse et dense, une planète plutôt gazeuse, ou une planète à mi-chemin entre les deux, comme Uranus et Neptune.
On peut confirmer toutefois qu’elle fait le tour de son étoile en six jours, elle se trouve donc très proche de son étoile et reçoit 20 fois plus de chaleur de cette dernière que la Terre du Soleil. Sa température d’équilibre pourrait être d’environ 300°C, ce qui est très chaud! Cette planète n’a pas d’équivalent dans notre Système solaire, c’est un peu comme avoir Neptune sur l’orbite de Mercure!
Cette planète subi aussi sans doute l’intense activité de son étoile : les naines rouges présentent généralement des éruptions fortes et fréquentes. Gliese 410 est une étoile relativement jeune (environ 480 millions d’années) et les mesures SPIRou confirment un champ magnétique 100 fois plus intense que celui de notre Soleil. Ce genre de phénomène peut entrainer l’érosion (la perte) de l’atmosphère d’une planète.
IREx : Y a-t-il d’autres planètes autour de cette étoile?
Étienne : Deux autres planètes pourraient être présentes : une plus proche de l’étoile, qui en ferait le tour en environ 3 jours, et une plus loin, avec une période orbitale de 19 jours. Leur existence doit encore être confirmée.
Il faut savoir qu’il demeure très difficile de détecter des planètes avec la méthode employée ici, celle de vitesse radiale. Il est assez commun que des planètes soient annoncées, et que leur existence soit réfutée plus tard, quand on réalise par exemple que le signal qu’on attribuait à la planète était pltuôt dû à l’activité stellaire ou à l’atmosphère de la Terre.
Nos équipes doivent faire des tests statistiques pour accorder un degré de confiance à chaque détection, qui est considérée définitive au-delà d’un seuil donné. Dans le cas de Gliese 410 b, la découverte est convaincante, d’autant plus qu’on la trouve à la fois dans les observations de SPIRou et de SOPHIE. Ce n’est pas encore le cas des deux autres.
IREx : Pourquoi avoir utilisé ces deux instruments?
Étienne : SPIRou, un spectrographe qui opère dans le domaine spectral infrarouge, est plus sensible à la lumière des petites étoiles que les instruments optiques ordinaires. En d’autres mots, c’est plus facile de détecter des planètes autour de naines rouges comme Gliese 410, qui sont plus brillantes dans ce régime de longueur d’onde, avec cet instrument. Sa position au télescope Canada-France-Hawaiʻi, au sommet du volcan Maunakea, est aussi un avantage : cette montagne, d’une grande importance pour les natifs Hawaiiens, bénéficie d’un ciel d’une qualité incomparable.
Le second instrument, SOPHIE, est installé au télescope de 193 cm de l’Observatoire de Haute-Provence. Opérant dans le visible, il est employé depuis de nombreuses années.
Combiner des observations des deux instruments permet de réduire au minimum la possibilité d’une fausse détection. Cette découverte a été faite dans le cadre d’un relevé, amorcé en 2018, où l’on utilise justement ces deux instruments afin de révéler des systèmes planétaires autour des naines rouges proches.
IREx : Quelle est ta contribution, et celles de membres de notre Institut?
Étienne : Avec Neil Cook, Charles Cadieux et plusieurs membres de notre équipe, on travaille fort depuis plusieurs années pour s’assurer que les astronomes de partout dans le monde peuvent exploiter au maximum les observations faites avec SPIRou. Une de nos préoccupations est d’éviter que les contaminations reliées à l’atmosphère de la Terre nous empêchent de détecter des petites planètes avec cet instrument. Nous avons développé une nouvelle technique appelée LBL (pour « line-by-line ») qui permet d’exploiter au maximum les observations faites avec SPIRou et les spectrographes en général, et grâce à laquelle on peut repérer des planètes encore moins massives. Tous ces efforts ont contribué à révéler Gliese 410 b dans les données SPIRou.
Jonathan Gagné, spécialiste des associations d’étoiles jeunes, a pour sa part participé à réévaluer à la baisse l’âge de Gliese 410, qui pourrait être l’une des étoiles les plus jeunes du voisinage solaire.
IREx : Pourquoi cette découverte vous apparait-elle importante?
Étienne : C’est toujours intéressant de détecter de nouvelles planètes! Si les deux autres planètes sont confirmées, ce sera un système planétaire relativement proche, avec des interactions très intéressantes à étudier.
Un autre aspect important pour nous est de constater que tous les efforts déployés pour rendre SPIRou efficace portent leurs fruits, et permettent maintenant de révéler de nouveaux systèmes planétaires.
Finalement, cette découverte démontre la pertinence des petits observatoires pour confirmer l’existence d’exoplanètes. L’Observatoire de Haute Provence, où se trouve SOPHIE, a un télescope de taille similaire à celui de l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM). Notre équipe travaille actuellement sur le développement d’un nouveau spectrographe, VROOMM, qui devrait être installé à l’OMM dans quelques années. Cela nous donnera un important outil supplémentaire pour contribuer à ce genre de découvertes!
Note : Cette entrevue, inspirée d’un entretien avec Étienne Artigau et d’une nouvelle rédigée par Mélina Le Corre du CNRS, a été éditée dans un souci de clarté.
L’article Characterizing planetary systems with SPIRou: Detection of a sub-Neptune in a 6 day period orbit around the M dwarf Gl 410, a été mené par Andres Carmona de l’Université Grenoble Alpes. L’équipe comprend 44 autres co-auteurs de l’Europe, du Royaume-Uni, de l’Amérique du Sud, des États-Unis et du Canada, y compris Étienne Artigau, Neil J. Cook, Jonathan Gagné, Charles Cadieux et René Doyon de l’IREx.
Lien vers la nouvelle du CNRS