Les naines brunes, les cousines massives des planètes géantes, voient leur couverture nuageuse se dissiper à mesure qu’elles se refroidissent en vieillissant. Une équipe menée par Jonathan Gagné, un chercheur postdoctoral de l’Institut Carnegie de Washington DC, a déterminé pour la première fois la température à laquelle se produit cette transition pour les naines brunes jeunes. Leurs résultats, publiés dans The Astrophysical Journal Letters, pourraient permettre de mieux comprendre comment évoluent les géantes gazeuses, telles que Jupiter dans notre Système solaire.
Les naines brunes ne sont pas assez massives pour soutenir le processus de fusion de l’hydrogène, qui permet aux étoiles de rester chaudes et brillantes sur de très longues périodes. Elles se refroidissent donc lentement au fil du temps. Un changement important se produit lorsqu’elles passent en deçà d’une certaine température : leurs nuages plongent dans les profondeurs et ne sont plus visibles avec nos instruments.
Jonathan Gagné et ses collègues – Katelyn Allers de l’Université Bucknell, Christopher Theissen de l’Université de Californie à San Diego, Jacqueline Faherty et Daniella Bardalez Gagliuffi du Muséum américain d’histoire naturelle, et Étienne Artigau de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal – se sont concentrés sur 2MASS J13243553 + 6358281. Cette naine brune avait précédemment été identifiée comme étant anormalement rouge, c’est-à-dire que sa lumière est émise dans des longueurs d’onde plus grandes que ce qu’on s’attend.
Afin de mieux comprendre cet objet, ils ont mesuré avec précision sa distance. Ils ont ainsi réalisé que c’est l’un des objets de masse planétaires les plus proches de notre Système Solaire, à environ 40 années-lumière. Ils ont aussi confirmé que la naine brune fait partie du groupe AB Doradus, un ensemble d’environ 80 étoiles jeunes de composition similaire qui se déplacent ensemble dans l’espace. Comme on connait bien l’âge des étoiles de ce groupe, cela permet de déduire que cet objet a environ 150 millions d’années.
Grâce à l’âge de l’objet et à sa luminosité, l’équipe a pu déterminer son rayon, sa masse et, plus important encore, sa température.
Une hypothèse avancée pour expliquer la couleur inhabituelle de la naine brune est la présence d’un compagnon plus froid non visible. Cependant, les résultats de l’équipe suggèrent qu’il n’est pas nécessaire d’invoquer cette explication, et qu’on a probablement affaire à objet jeune de masse planétaire, isolé et unique.
Cette naine brune ne possède plus de couverture nuageuse. Cela est visible quand on étudie la lumière qu’elle émet dans différents filtres. Ce qui est intéressant, c’est que parmi les autres naines brunes du groupe AB Doradus, on en connait une autre, juste un peu plus chaude, qui, elle, possède une épaisse couche de nuages.
« Grâce à ces nouveaux résultats, on peut déduire que les naines brunes jeunes comme celles d’AB Doradus passent d’une atmosphère nuageuse à une atmosphère sans nuage autour d’environ 870 degrés Celsius », explique Jonathan Gagné.
Ce résultat est d’autant plus intéressant qu’étant donné qu’elles flottent librement dans l’espace, les naines brunes sont beaucoup plus faciles à étudier que les exoplanètes, dont la lumière est souvent noyée par celle de leur étoile hôte.
« Parce que les naines brunes comme celles-ci sont tellement semblables aux planètes géantes gazeuses, cette information pourrait nous aider à comprendre certains des processus évolutifs qui se sont produits ici même dans notre Système solaire », conclu Étienne Artigau.
L’article « 2MASS J13243553+6358281 Is an Early T-type Planetary-mass Object in the AB Doradus Moving Group » est publié dans l’édition du 16 février 2018 de The Astrophysical Journal Letters. L’équipe, menée par Jonathan Gagné (Institut Carnegie de Washington DC), inclut Katelyn Allers de l’Université Bucknell; Christopher Theissen de l’Université de Californie à San Diego; Jacqueline Faherty et Daniella Bardalez Gagliuffi du Muséum américain d’histoire naturelle, et Étienne Artigau, de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal.
L’Institut Carnegie de Washington DC est une organisation privée sans but lucratif, basée à Washington D.C., et qui inclue six départements de recherche à travers les États-Unis. Depuis sa fondation en 1902, l’institut Carnegie a été une force novatrice en recherche fondamentale. Les scientifiques de Carnegie sont des leaders mondiaux dans les domaines de la biologie végétale, de la biologie du développement, de l’astronomie, de la science des matériaux, de l’écologie globale, et des sciences de la Terre et des planètes.
Cette recherche utilise des données du Two Micron All Sky (2MASS), un projet conjoint de l’Université du Massachusetts et du Centre de traitement et d’analyse infrarouge (IPAC) / Institut californien de technologie (Caltech), financé par la NASA et la National Science Foundation et des données de WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer), un projet conjoint de l’Université de Californie à Los Angeles et du Jet Propulsion Laboratory (JPL) / Caltech, financé par la NASA. Elle est basée sur les observations obtenues à l’Observatoire Gemini (programme scientifique GN2017B-FT-21) acquises grâce au Gemini Observatory Archive, qui est exploité par l’Association des universités pour la recherche en astronomie, Inc., en vertu d’un accord de coopération avec la NSF du partenariat Gemini : National Science Foundation (États-Unis), Conseil national de recherches (Canada), CONICYT (Chili), Ministerio de Ciencia, Tecnologia e Innovacion Productiva (Argentine) et Ministerio da Ciencia, Tecnologia e Inovaçao (Brésil).
Jonathan Gagné
jgagne@carnegiescience.edu
Natasha Metzler/Jonathan Gagné/Richard Carlson
Carnegie Institution for Science
nmetzler@carnegiescience.edu, jgagne@carnegiescience.edu , rcarlson@carnegiescience.edu
Marie-Eve Naud
Institut de recherche sur les exoplanètes
naud@astro.umontreal.ca
You must be logged in to post a comment.