2015

Quand une planète fait des vagues dans un disque de débris…

Une simulation de vagues dans un disque de débris causées par une exoplanète. (Crédit: NASA GSFC)
Une simulation de vagues dans un disque de débris causées par une exoplanète. (Crédit: NASA GSFC)

Des nouvelles simulations numériques réalisées par des chercheurs américains mettent en évidence les interactions entre l’étoile Bêta Pictoris, sa planète et un disque de débris en orbite. Les ondes gravitationnelles créées par le passage de la planète dans le disque facilitent les collisions parmi les débris orbitaux, ce qui peut expliquer des motifs observés dans l’environnement du disque de Bêta Pictoris encore mal compris jusqu’à présent. Ces résultats sont dévoilés à la conférence « In the Spirit of Lyot » qui a lieu à Montréal. L’étude a été réalisée par Erika Nesvold, astrophysicienne à l’Université du Maryland, qui a co-développé les simulations numériques avec Marc Kuchner, astrophysicien au NASA’s Goddard Space Flight Center.

Située à seulement 63 années lumière du Soleil, Bêta Pictoris est âgée d’environ 21 millions d’années, soit un centième de l’âge de notre système solaire. Le disque de son système planétaire, que nous voyons par la tranche, contient des roches et des fragments de glace allant de la taille d’une particules de fumée jusqu’à celle d’une maison. C’est une copie (en plus jeune!) de la Ceinture de Kuiper qui borde notre propre système solaire. C’est le premier disque de ce genre qu’on a été capable de photographier, en 1984.

Plus tard, en 2009, les astronomes ont confirmé l’existence de Bêta Pic b, une planète avec une masse évaluée à environ neuf fois celle de Jupiter. Elle se déplace sur une orbite inclinée et allongée et prend 20 années à faire une révolution complète autour de son étoile. Cette orbite particulière l’amène, à certaines périodes, aussi loin de son soleil que l’orbite de Saturne !

« Nous avons essentiellement recréé de façon virtuelle Bêta Pictoris grâce à notre super-ordinateur et nous l’avons regardé se développer et évoluer au cours de millions d’années, mais en accéléré ! » explique Erika Nesvold. «  C’est le tout premier modèle 3-D complet d’une planète dans un disque de débris dont nous pouvons observer l’évolution en se concentrant sur plusieurs paramètres.»

Depuis des années, les astronomes tentent de comprendre certaines caractéristiques intrigantes du disque de Bêta Pic. Par exemple, celui-ci semble déformé quand on l’observe à des longueurs d’onde sous-millimétriques, et possède, vue par la tranche, une forme en « X » lorsque qu’il est observé dans les longueurs d’onde visibles (voir Figure 1). Enfin, le disque semble contenir de vastes concentration de monoxyde de carbone, un ingrédient commun que l’on retrouve dans les comètes mais qui en principe est rapidement détruit par la lumière ultraviolette des étoiles. Ces observations pourraient s’expliquer par la présence d’une deuxième planète ou encore par des épisodes catastrophiques de collisions entre deux ou plusieurs corps célestes glacés de la taille de la planète Mars.

« Nos simulations suggèrent plutôt que les concentrations de monoxydes de carbone peuvent être expliquées par la présence d’ondes de gravité créées par le déplacement de la planète Bêta Pic b, » résume Mark Kuchner. «  Un peu comme le ferait un boulet de canon qui tombe dans une piscine d’eau, le mouvement de la planète est la cause de perturbations énormes dans le disque de débris. »

Afin de reproduire le système de l’étoile numériquement, il faut être capable de garder dans la mémoire d’un superordinateur les positions et vitesses de millions de fragments de débris sur des périodes de plusieurs millions d’années, ce qui n’est pas une chose aisée! Les modèles existants n’étaient pas suffisamment stables pour reproduire des périodes d’évolution stellaire aussi longues.

Les deux chercheurs ont donc dû travailler en collaboration avec Margaret Pan et Hanno Rein, de l’Université de Toronto, avec qui ils ont développé un nouvel algorithme de calcul où une « super particule » représente un groupe de particules qui ont des mouvements semblables. Il est ainsi possible de suivre la façon dont elles interagissent, pour comprendre comment les collisions parmi des trillions de fragments poussières forment toutes sortes de configurations qui sont observées dans les images de Bêta Pic captées par les plus grands télescopes. La technique, appelée le Superparticle-Method Algorithm for Collisions in Kuiper belts (SMACK) a l’avantage de réduire grandement le temps nécessaire pour exécuter un calcul si complexe.

En utilisant le superordinateur exploité par le NASA Center for Climate Simulation (un centre spécialisé dans les simulations numériques sur le climat), le modèle numérique de Bêta Pic a pris 11 jours pour évoluer et a permis de suivre à la trace de l’évolution de 100,000 « superparticules » sur la durée de vie du disque de plusieurs millions d’années.

Comme la planète se déplace sur une orbite inclinée par rapport au disque, elle traverse ce dernier deux fois quand elle fait une révolution autour de son étoile (voir figure 1). À chaque passage, la planète induit donc une onde de gravité qui provoque une spirale dans le disque autour de Bêta Pic. Les débris se concentrent dans les sommets et les creux des vagues générées par l’onde et entrent en collision, ce qui explique le disque en forme de « X » vu dans la poussière. Cela permet aussi d’expliquer la présence des vastes concentrations de monoxyde de carbone à ces endroits.

HST_Sim_dust_labels

Ces images comparent une vue de Bêta Pic en lumière diffuse telle que vue par le télescope spatial Hubble (haut) et une image semblable construite à partir de données de simulations de SMACK (superposée en rouge, bas). Le « X » dans l’image du dessus est la conséquence la superposition d’un 2e disque de poussière incliné par rapport su disque de débris. Le modèle de SMACK est le premier qui réussi reproduire le modèle du double disque. (Crédit: haut, NASA/ESA/D. Golimowski/JHU; bas, NASA GSFC/E. Nesvold/M. Kuchner)

L’orbite de la planète est aussi légèrement excentrée par rapport au centre de l’étoile (fig 2). Sa distance à l’étoile varie donc d’une petite quantité à chaque orbite. Cela perturbe le mouvement des débris et induit une deuxième onde qui cause une seconde spirale dans le plan du disque. Cette onde intensifie les collisions dans les régions intérieures du disque ce qui détruit un grand nombre de gros fragments.

ERIKA2

Simulations numériques qui présentent la présence d’une planète unique dans le disque de Bêta Pic qui crée une variété de structures, y compris la présence de zones de vaste concentrations de monoxyde de carbone telles que vues par le radio télescope ALMA. (Crédit: haut, NASA/ESA/D. Golimowski/JHU; bas, NASA GSFC/E. Nesvold/M. Kuchner)

« Une des questions qui reste en suspend avec Bêta Pictoris b est de savoir comment la planète a fini par se retrouver sur une orbite si étrange, » poursuit Erika Nesvold. « Nos simulations suggèrent qu’elle soit arrivé là il y a environ 10 millions d’années, probablement après des interactions avec d’autres planètes dans le plan du disque de l’étoile que nous n’avons pas détectées encore. »

 

Liens vers plus de matériel

À Voir:

Erika Nesvold and Marc Kuchner discuss how their new supercomputer simulation helps astronomers understand Beta Pictoris. Video credit: NASA’s Goddard Space Flight Center

Téléchargements HD de vidéos et images © NASA Goddard’s Scientific Visualization Studio http://svs.gsfc.nasa.gov/goto?11896

Disk Detective : aider les astronomes à trouver d’autre monde (comme Bêta Pictoris)

http://www.diskdetective.org/

Hubble Gets Best View of Circumstellar Debris Disk Distorted by Planet

http://www.nasa.gov/content/goddard/hubble-gets-best-view-of-circumstellar-debris-disk-distorted-by-planet

Nearby Star’s Icy Debris Suggests ‘Shepherd’ Planet

http://www.nasa.gov/content/goddard/nearby-stars-icy-debris-suggests-shepherd-planet

 

À propos de la conférence « In the Spirit of Lyot »

Durant les vingt dernières années, la recherche sur les exoplanètes a rapidement évoluée pour devenir l’un des domaines les plus actifs en astronomie. Presque 2000 exoplanètes ont été identifiées jusqu’à maintenant hors de notre système solaire. La détection et la caractérisation de ces objets occupent aujourd’hui une fraction importante du temps d’observation des plus grands observatoires, et exploitent des instruments construits principalement ou exclusivement à cet effet. De plus, plusieurs projets d’observatoires terrestres ou spatiaux sont présentement développés pour repousser les limites de nos connaissances.

Ce domaine de recherche se base sur plusieurs méthodes d’observations complémentaires; la plupart des données collectées jusqu’à maintenant proviennent d’études indirectes exploitant des mesures de la vitesse radiale ou de la photométrie de l’étoile-hôte. Aujourd’hui, après des années de développement et le début des opérations d’une nouvelle génération d’imageurs à haut-contraste spécialisés dans la détection de planètes géantes, l’imagerie directe émerge comme un autre moyen de compléter notre compréhension de ces objets fascinants. C’est une méthode particulièrement intéressante pour étudier les objets les plus éloignés de leur étoile. L’imagerie directe fourni aussi un moyen unique d’obtenir de l’information sur les propriétés atmosphériques des jeunes géantes gazeuses. Les quelques découvertes qui ont été faites jusqu’à maintenant n’offrent  qu’un petit aperçu des percées majeures attendues dans les prochaines années.

La première conférence « In the Spirit of Bernard Lyot » s’est tenue à Berkeley en 2007  et une seconde édition a eu lieu à Paris en 2010. Cette conférence à Montréal sera donc la troisième édition.

Lien vers le site web de la conférence: http://craq-astro.ca/lyot2015/

 

À propos de Bernard Lyot

Inventeur du coronographe, Bernard Lyot a été un pionnier dans le domaine de l’imagine haut-contraste en inventant le coronographe. Plusieurs des techniques utilisées aujourd’hui pour imager exoplanètes et disques dérivent de ce concept. Bernard Lyot symbolise la synergie entre l’innovation technologique et les percées scientifiques qui sont inhérentes à notre domaine de recherche.

 

Contacts

Dr. Erika Nesvold (sur place à la conférence)
University of Maryland
erika.r.nesvold@nasa.gov

Dr. Marc Kuchner (sur place à la conférence)
NASA’s Goddard Space Flight Center
marc.j.kuchner@nasa.gov

 

Media contacts

Francis Reddy (at NASA’s Goddard Space Flight Center)
NASA’s Goddard Space Flight Center, Greenbelt, Md
Senior science writer
Tel. (301) 286-4453 | francis.j.reddy@nasa.gov

Olivier Hernandez, Ph.D. (sur place à la conférence)
Directeur des opérations OMM / iREx
Relation avec les médias
Institut de recherche sur les exoplanètes / Institute for research on exoplanets – iREx
Université de Montréal
olivier@astro.umontreal.ca | @OMM_Officiel | @iExoplanets