2025

Une étoile morte révèle les restes engloutis de son système planétaire

Une étoile morte révèle les restes engloutis de son système planétaire

Une équipe internationale menée par Érika le Bourdais, doctorante à l’Université de Montréal, révèle qu’une très vieille étoile naine blanche accrète encore activement des débris planétaires. Cette découverte ouvre une fenêtre sur l’évolution des systèmes planétaires, plusieurs milliards d’années après la mort de leur étoile, ainsi que sur la composition des exoplanètes.

Érika Le Bourdais devant le Keck.

LSPM J0207+3331 est une étoile naine blanche particulièrement âgée, située à 145 années-lumière de la Terre dans la constellation du Triangle. Ce reste stellaire, issu de la mort d’une étoile un peu à peine plus massive que le Soleil, a récemment été observé grâce aux télescopes W. M. Keck , situés au Mauna Kea, à Hawaï. Ces observations ont révélé que son atmosphère contient pas moins de 13 éléments chimiques, un signe qu’un corps rocheux d’au moins 200 kilomètres de diamètre est en train d’y être désintégré. 

« Cette découverte remet en question notre compréhension de l’évolution des systèmes planétaires », explique Érika Le Bourdais, également membre de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx). « Le fait que nous voyons encore de l’accrétion de débris planétaires trois milliards d’années après que l’étoile soit devenue une naine blanche suggère que des astéroïdes, des comètes, et même des planètes peuvent rester en orbite autour de ces dernières pendant très longtemps. »

Une étoile naine blanche particulière

LSPM J0207+3331 a été découverte en 2019 par une citoyenne scientifique participant au projet Backyard Worlds: Planet 9. Les astronomes ont rapidement noté qu’elle était très froide pour une étoile naine blanche, preuve de son âge avancé, car ces étoiles se refroidissent progressivement avec le temps.

L’équipe de John Debes, coauteur de l’étude et chercheur au Space Telescope Science Institute (STScI) à Baltimore, a également détecté un excès infrarouge autour de l’étoile, indicateur de la présence probable d’un disque de débris. Or, la présence d’un tel disque est souvent associée à une atmosphère « polluée », contenant des traces de matière planétaire tombée sur l’étoile. L’équipe de l’Université de Montréal a donc analysé les observations spectroscopiques de LSPM J0207+3331 à la recherche de ces signatures chimiques.

Une planète rocheuse?

« Les naines blanches nous offrent l’une des seules manières de mesurer directement la composition des exoplanètes », souligne Patrick Dufour, coauteur de l’étude et professeur titulaire à l’Université de Montréal. «  Quand des débris planétaires s’approchent trop près, ils sont déchirés par la gravité de l’étoile et finissent par s’y intégrer, polluant son atmosphère et y laissant une empreinte chimique détaillée de leur composition. »  

Dans le cas de LSPM J0207+3331, les observations se sont révélées encore plus spectaculaires que prévu. 

« Il est très difficile de détecter des restes planétaires dans l’atmosphère de naines blanches froides et riches en hydrogène, comme celle-ci », souligne Érika Le Bourdais. « Leur atmosphère est plus opaque, et les éléments lourds s’enfoncent rapidement vers le centre de l’étoile. Nous nous attendions à ne voir que quelques éléments chimiques, mais nous en avons trouvé des dizaines! »

Les analyses ont en effet révélé la présence de treize éléments différents : sodium, magnésium, aluminium, silicium, calcium, titane, chrome, manganèse, fer, cobalt, nickel, cuivre et strontium.

« Détecter une telle diversité d’éléments est exceptionnel, » poursuit Le Bourdais. « Et la quantité de matière rocheuse présente est inhabituellement élevée pour une naine blanche aussi âgée. »

L’analyse chimique permet de dresser le portrait du corps désintégré : un objet assez gros pour avoir des couches distinctes, par exemple un noyau métallique et un manteau rocheux, un peu comme la Terre ou comme l’astéroïde Vesta dans notre Système solaire. Le rapport des éléments indique aussi qu’il s’agissait donc d’un monde rocheux avec peu de glaces, plus proche d’un astéroïde que d’une comète.

Patrick Dufour ajoute : « Les naines blanches riches en hydrogène représentent la grande majorité des naines blanches, et les systèmes les plus froids parmi elles comptent parmi les étoiles les plus anciennes de notre galaxie. Nous n’avions pas l’habitude de les observer pour détecter des signes d’accrétion. Ce cas unique nous motive à étendre nos recherches à un plus grand nombre de ces étoiles. » 

Une perturbation mystère

Si le portrait chimique du corps désintégré est désormais moins mystérieux, l’histoire de sa chute vers l’étoile naine blanche reste difficile à expliquer. Comment un objet a-t-il été dévié pour être englouti par l’étoile si tard dans l’histoire du système? 

Une des hypothèses de l’équipe serait que des planètes géantes plus éloignées, interagissant gravitationnellement sur des milliards d’années, auraient progressivement déstabilisé le système et envoyé cet objet sur son orbite fatale. Ces planètes, elles aussi très anciennes et donc peu lumineuses, demeurent toutefois difficiles à détecter avec nos instruments actuels. Une autre hypothèse évoque le passage rapproché d’une autre étoile, dont la gravité aurait perturbé les trajectoires des débris en orbite autour de la naine blanche. 

« De futures observations avec le télescope spatial James Webb ou des données d’archive du télescope spatial Gaia de l’Agence spatiale européenne pourraient permettre de distinguer entre une réorganisation planétaire ou l’effet gravitationnel d’une rencontre rapprochée avec une autre étoile », explique John Debes.

Ces scénarios illustrent la complexité et la longévité des systèmes planétaires, des milliards d’années après la mort de leur étoile, et ouvrent de nouvelles perspectives pour la recherche sur l’évolution planétaire.

Pour en savoir plus 

L’article « Tracing planetary accretion in a 3Gyr-old hydrogen-rich white dwarf: the extremely polluted atmosphere of LSPM J0207+3331 » est publié aujourd’hui dans The Astrophysical Journal (version open-access ici). En plus d’Érika Le Bourdais et Patrick Dufour de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes à l’Université de Montréal, l’équipe comprend John Debes et 7 autres coauteurs du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni. 

Personne-ressource pour les médias 

Marie-Eve Naud
Coordonnatrice à l’éducation et au rayonnement
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
514-279-3222, marie-eve.naud@umontreal.ca  

Contacts scientifiques 

Érika Le Bourdais
Doctorante, Université de Montréal
erika.lebourdais@umontreal.ca

Patrick Dufour
Professeur, Université de Montréal
patrick.dufour@umontreal.ca 

Liens

  • Article scientifique dans The Astrophysical Journal (version libre d’accès)
  • Communiqué de presse du Space Telescope Science Institute (STScI)
  • Communiqué de presse de l’Université de Montréal