Le point le plus chaud d’une planète gazeuse gravitant près d’une étoile distante ne se situe pas là où les astrophysiciens pensaient le trouver. Cette découverte interpelle les scientifiques, qui s’interrogent sur leur compréhension des nombreuses planètes de ce type peuplant les autres systèmes solaires.
Contrairement à Jupiter, que nous connaissons bien, les Jupiter chaudes gravitent étonnamment près de leur étoile hôte. Si près, en fait, qu’elles accomplissent généralement leurs orbites en moins de trois jours. Qui plus est, un de leurs hémisphères demeure en permanence face à l’étoile hôte, tandis que l’autre est plongé dans une nuit sans fin.
Comme on peut s’y attendre, la chaleur est beaucoup plus intense sur la face diurne de ces planètes que sur leur face nocturne, et le point le plus proche de l’étoile est généralement le plus chaud. De plus, en raison des forts vents qui balaient ces planètes d’ouest en est au niveau de l’équateur, le point chaud peut parfois se déplacer vers l’est. C’est du moins la théorie qu’ont élaborée les astrophysiciens à partir de leurs observations.
Dans le cas de l’exoplanète CoRoT‑2b, cependant, on nage en plein mystère. Le point chaud se trouve dans la direction opposée, soit à l’ouest du centre. Une équipe de chercheurs dirigée par des astronomes de l’Institut spatial de l’Université McGill (MSI) et de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx) de Montréal a fait cette découverte grâce au télescope spatial Spitzer de la NASA. La revue Nature Astronomy y consacre un article dans son numéro du 22 janvier 2018.
« Nous avons étudié neuf autres Jupiter chaudes par le passé, soit des planètes géantes en orbite rapprochée autour de leur étoile. Dans tous les cas, les vents soufflaient dans la direction théoriquement attendue, soit vers l’est », explique Nicolas Cowan, astronome à l’Université McGill, coauteur de l’étude et chercheur au MSI de même qu’à l’iREx. « Mais nous voici devant une planète pour le moins insolite, soumise à des vents contraires. Comme l’exception confirme souvent la règle, nous espérons que cette planète nous aidera à mieux comprendre les Jupiter chaudes », poursuit le scientifique.
Découverte il y a dix ans lors d’une mission d’observation spatiale dirigée par une équipe française, CoRoT-2b est située à 930 années-lumière de la Terre. Bien que les astronomes aient mis au jour de nombreuses autres Jupiter chaudes au cours des dernières années, CoRoT-2b continue de les intriguer pour deux raisons : sa grande taille et les étranges spectres lumineux émanant de sa surface.
« Ces deux éléments évoquent l’existence de phénomènes inhabituels dans l’atmosphère de cette Jupiter chaude », explique Lisa Dang, doctorante à McGill et auteure principale de l’étude. Grâce à la caméra infrarouge IRAC (InfraRed Array Camera) du télescope Spitzer, les chercheurs ont pu observer la planète en orbite autour de son étoile, cartographier pour la première fois la luminosité de sa surface et constater ainsi la présence d’un point chaud à l’ouest.
Les chercheurs avancent trois hypothèses pour expliquer cette découverte inattendue. Chacune apporte son lot de questions. Ainsi:
« Nous avons besoin de données plus précises pour répondre aux questions que soulève notre découverte », précise Lisa Dang. « Fort heureusement, le télescope spatial James-Webb, lancé l’an prochain, devrait nous apporter ces réponses. Son miroir, de taille plus de 100 fois supérieure à celle du télescope Spitzer, devrait nous procurer des données d’une précision inégalée. »
L’article Detection of a westward hotspot offset in the atmosphere of hot gas giant CoRoT-2b, par Lisa Dang, Nicolas B. Cowan, Joel C. Schwartz et coll., a été publié le 22 janvier 2018 dans la revue Nature Astronomy. En plus de Lisa Dang et de Nicolas Cowan (McGill, McGill Space Institute, Institut de recherche sur les exoplanètes – iREx), des scientifiques de l’Université du Michigan, l’Institut technologique de Californie, l’Université d’État de l’Arizona, l’Université de New York à Abu Dhabi, l’Université de la Californie à Santa Cruz et de l’Université d’État de la Pennsylvanie ont contribué à la présente étude.
Cette étude a été financée en partie par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Centre de traitement et d’analyse en infrarouge de l’Institut technologique de Californie.
Nicolas Cowan
nicolas.cowan@mcgill.ca
Lisa Dang
lisa.dang@physics.mcgill.ca
Chris Chipello, Media Relations, McGill University
514-398-4201
christopher.chipello@mcgill.ca