Notre histoire commence il y a 101 ans avec la publication d’un bref article intitulé « a faint star of large proper motion » (une étoile peu brillante au grand mouvement propre) par l’astronome Robert Innes, alors basé à Johannesburg en Afrique du sud.
À l’époque, Innes comparait des plaques photographiques à la recherche d’étoiles se déplaçant rapidement dans le ciel, signe de leur proximité avec le Soleil. En plus de noter le mouvement apparent de cette étoile, il remarqua qu’elle partageaient le mouvement propre d’α (alpha) Centauri, une étoile double parmi les plus brillantes du ciel. On savait déjà à l’époque qu’α Centauri était le système stellaire le plus près du Soleil; en combinant la très faible luminosité apparente à sa proximité, les astronomes ont pu rapidement en déduire que cette étoile était intrinsèquement très peu lumineuse. On sait maintenant que c’est un système triple.
En tant que nos plus proches voisins galactiques, le système d’α Centauri, ses deux « soleils » (α Centauri A et α Centauri B), et sa naine rouge (Proxima) occupent une place particulière dans l’imaginaire des astronomes et du public en général. On les retrouve dans de nombreux ouvrages de science-fiction, comme Avatar ou Perdus dans l’espace.
Bien sûr, les astronomes ont cherché à identifier d’éventuelles planètes autour des étoiles du système α Centauri. Malgré sa proximité, la technologie actuelle ne permet pas encore de prendre directement des images des planètes. Les astronomes ne peuvent que les détecter indirectement. La méthode privilégiée consiste à mesurer régulièrement la vitesse d’une étoile pour y déceler l’effet dynamique d’éventuelles planètes en orbite autour d’elle. La recherche d’exoplanètes autour des étoiles d’α Centauri a semblé porter fruit en 2012 quand une équipe dirigée par des chercheurs de l’Observatoire de Genève a annoncé la découverte d’une planète semblable à la Terre autour α Centauri B. Cette exoplanète dont l’orbite est extrêmement près de son étoile, en aurait fait un monde couvert de lave dont la température de surface est d’environ 1200°C. Ces travaux ont rapidement été contestés par d’autres équipes, et une analyse détaillée des mesures a permis de démontrer que l’activité de l’étoile – ses taches et ses éruptions – était à l’origine des variations de vitesse observées et non pas une éventuelle planète.
Il en faut évidemment plus pour décourager des chasseurs de planètes! Proxima a bien évidemment fait l’objet de nombreuses études pour y déceler des planètes, et au fur-à-mesure que les données s’accumulaient, le signal caractéristique d’une planète a commencé à apparaître. Comme la technique des vitesses radiales requiert un très grand nombre de mesures, il est assez normal de voir tout d’abord une détection marginale d’une planète qui sera confirmée, ou non, par l’obtention d’un grand nombre de mesures additionnelles. L’équipe menant les travaux sur Proxima, bien consciente de l’existence de la planète réfutée autour d’α Centauri B, a donc décidé de mener une campagne d’observations pour établir, au-delà de tout doute raisonnable, la présence d’une planète autour de Proxima. Cette campagne menée au début 2016 a permis de suivre la vitesse de Proxima presque tous les jours pendant près de 3 mois et de prendre, en même temps, un grand nombre de mesures avec de petits télescopes visant à détecter des taches ou des éruptions qui auraient pu fausser les données. L’analyse de cette campagne n’a finalement plus laissé la place au doute, la planète autour de Proxima est bien réelle! La découverte a pu être annoncée dans la prestigieuse revue Nature en août dernier par Guillem Anglada-Escudé ainsi qu’une large équipe de collaborateurs principalement basés en Angleterre et en Europe.
Cette nouvelle planète, pour l’instant baptisée Proxima b, est un peu plus massive que la Terre et est orbite autour de Proxima avec une période de révolution de 11 jours. La distance entre Proxima b et son étoile Proxima est 20 fois plus petite que la distance Terre-Soleil. Proxima étant beaucoup moins lumineuse que notre Soleil, la faible distance entre Proxima b et son étoile lui permet d’avoir une température comparable à celle de la Terre et de développer, peut-être, des conditions propices à la vie. Bien sûr on est encore bien loin d’une détection de la Vie sur Proxima b, mais cela n’a pas empêché plusieurs équipes de publier des modèles sur le climat que pourrait avoir cette planète.
Le fait que Proxima soit notre plus proche voisine facilitera beaucoup l’étude de son intrigante planète. Déjà, certains pensent que les futur télescopes géants qui seront construit au Chili dans les années 2020 pourront prendre des images de Proxima b. D’autres, nettement plus ambitieux, évoque déjà la possibilité d’y envoyer les premières sondes interstellaires!
La découverte de Proxima b a été faite avec l’instrument HARPS installé sur le télescope de 3,6 m de l’ESO à La Silla, au Chili. HARPS utilise la lumière du spectre visible pour mesurer la vitesse des étoiles et en déduire la présence de planètes. Les étoiles comme le Soleil émettent la majorité de leur flux en lumière visible, et HARPS est l’outil idéal pour leur étude. Par contre, les naines rouges comme Proxima émettent la majorité de leur flux dans l’infrarouge, et leur étude est difficile avec des instruments comme HARPS qui ne peuvent observer qu’une petite fraction de leur lumière. En collaboration avec l’observatoire de Genève, l’iREx va donc construire un nouvel instrument, NIRPS, qui sera utilisé simultanément à HARPS et pourra mesurer la vitesse radiale des étoiles à partir de leur spectre infrarouge. Les premières observations avec HARPS et NIRPS devraient avoir lieu en 2019 et devraient permettre de découvrir de nombreuses planètes similaires à Proxima b autour des naines rouges du voisinage solaire.
Pour lire le communiqué de presse en français sur la découverte de l’ESO, suivez ce lien.
Étienne Artigau, l’auteur de cet article est chercheur à l’iREx. Pour en connaître d’avantage sur lui, consultez sa page web ici.
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