Entretiens scientifiques

Une carte inédite d’une exoplanète géante ultra-chaude : entretien avec Louis-Philippe Coulombe

WASP-18 b, que l'on voit dans une illustration artistique, est une exoplanète géante gazeuse 10 fois plus massive que Jupiter qui tourne autour de son étoile en seulement 23 heures. Des chercheurs ont utilisé l'instrument NIRISS du télescope spatial James Webb pour étudier la planète lorsqu'elle se déplace derrière son étoile. Les températures y atteignent 2 700 degrés Celsius. (Crédit d’image : NASA/JPL-Caltech/K. Miller/IPAC)
WASP-18 b, que l'on voit dans une illustration artistique, est une exoplanète géante gazeuse 10 fois plus massive que Jupiter qui tourne autour de son étoile en seulement 23 heures. Des chercheurs ont utilisé l'instrument NIRISS du télescope spatial James Webb pour étudier la planète lorsqu'elle se déplace derrière son étoile. Les températures y atteignent 2 700 degrés Celsius. (Crédit d’image : NASA/JPL-Caltech/K. Miller/IPAC)

Les exoplanètes dites « Jupiters ultra-chaudes » fascinent les astronomes. Ces géantes gazeuses, qui orbitent si près de leur étoile qu’elles en font le tour en à peine un jour terrestre, atteignent des températures de plus de 2000 °C. Grâce à NIRISS, l’instrument canadien du télescope spatial James Webb (JWST), une équipe internationale menée par Ryan C. Challener (Université Cornell) et Megan Weiner Mansfield (U Maryland) a réalisé une première : la toute première carte spectroscopique du côté éclairé d’une exoplanète, WASP-18 b.

Pour mieux comprendre la portée de cette découverte, publiée dans Nature Astronomy, nous avons échangé avec Louis-Philippe Coulombe, chercheur à l’Université de Montréal et membre de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx), qui a joué un rôle clé dans l’analyse des données.


IREx : Qu’est-ce qui rend cette découverte spéciale ?

Louis-Philippe : C’est la première fois qu’on dresse une carte en deux dimensions d’une exoplanète à plusieurs longueurs d’onde avec le télescope spatial James Webb . Cette carte détaille le côté jour, celui qui fait toujours face à l’étoile.

C’est un outil puissant pour étudier comment la température et la composition de la planète changent selon l’endroit et la profondeur dans l’atmosphère. Cela nous permet d’obtenir une vision à la fois horizontale et verticale de cette planète géante.

 

IREx : Qu’est-ce qui t’intéresse personnellement dans cette découverte ?

Louis-Philippe :  Sur WASP-18 b, il règne un climat extrême : les températures dépassent les 2000 °C sur le côté exposé à la lumière de l’étoile, ce qui génère des vents supersoniques qui redistribuent la chaleur vers le côté nuit totalement privé de lumière. Ce genre de planète n’a aucun équivalent dans notre Système solaire. Cela permet vraiment de pousser plus loin notre compréhension de la physique des atmosphères.

 

IREx : Comment arrive-t-on à obtenir une telle carte?

Louis-Philippe : On pointe le télescope vers l’étoile au moment de l’éclipse secondaire, c’est-à-dire quand la planète passe derrière celle-ci. Cela permet, en quelque sorte, de l’analyser par tranches : la diminution graduelle de la lumière reçue nous indique quelles zones sont les plus brillantes.

En répétant cette observation à plusieurs longueurs d’onde, ou « couleurs », on obtient de l’information sur ce qui se passe dans les différentes couches de l’atmosphère.

 

IREx : Quelle est l’histoire de ce projet et de votre implication ?

Louis-Philippe : Ce travail a été mené dans le cadre du programme Transiting Exoplanet Community Early Release Science (ERS) du JWST, qui visait à démontrer les capacités du télescope pour l’étude des exoplanètes dès ses premiers mois sur le ciel.

En 2023, j’ai publié dans la revue Nature une carte de WASP-18 b à une seule longueur d’onde, qui révélait notamment une grande différence de température entre le centre du côté éclairé et ses pourtours.

Ce nouvel article va beaucoup plus loin : en combinant plusieurs longueurs d’onde, on peut sonder différentes altitudes de l’atmosphère.

Pour ma part, j’ai contribué à la réduction des données et à la comparaison avec des simulations 3D qui reproduisent la circulation de la chaleur. Björn Benneke, maintenant professeur associé à l’UdeM, a participé au développement du programme qui a mené à l’étude de cette exoplanète.

 

IREx : Qu’avez-vous appris sur WASP-18 b elle-même ?

Louis-Philippe : Nous avons identifié deux régions distinctes : un point très chaud au centre du côté jour, là où la planète reçoit le plus d’énergie, et un anneau plus froid près du terminateur (la frontière entre jour et nuit).

Fait intéressant, le contraste de température est plus faible que prévu. Cela suggère qu’il existe des mécanismes physiques qui influencent la façon dont la chaleur est redistribuée et qui ne sont pas encore intégrés dans nos modèles, comme la formation de nuages du côté nuit ou des réactions chimiques impliquant l’hydrogène.

 

IREx: Pourquoi crois-tu que les gens devraient s’intéresser à cette découverte?

Louis-Philippe : Cette exoplanète est un monde extrême, fascinant, qui peut nous aider à comprendre des phénomènes physiques et chimiques dans les climats planétaires les plus extrêmes de l’Univers ! Toutefois, elle est située à des centaines d’années-lumière : on ne peut même pas rêver de la prendre en photo. Pourtant, la méthode exploitée ici nous permet de révéler ce qui se passe dans son atmosphère, même en profondeur! C’est assez impressionnant!

 

Note : Cette entrevue, inspirée d’un entretien écrit avec Louis-Philippe Coulombe et du communiqué de presse de Cornell lié à la publication dans Nature Astronomy, a été éditée dans un souci de clarté.

Pour en savoir plus

L’article Horizontal and vertical exoplanet thermal structure from a JWST spectroscopic eclipse map est paru dans la revue Nature Astronomy le 28 octobre 2025. L’étude est menée par Ryan C. Challener (Université Cornell), Megan Weiner Mansfield (U Maryland) et leur équipe internationale. Louis-Philippe Coulombe et Björn Benneke, de l’Université de Montréal et de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx), figurent parmi les coauteurs.


 

Personnes-ressources pour les médias
Nathalie Ouellette
Directrice adjointe et scientifique chargée des communications sur le télescope spatial James Webb au Canada
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx), Université de Montréal
613-531-1762 | nathalie@astro.umontreal.ca

Contact scientifique
Louis-Philippe Coulombe
Chercheur
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx), Université de Montréal
louis-philippe.coulombe@umontreal.ca