Détectés pour la première fois il y a 20 ans, les Jupiters chauds restent aujourd’hui des objets énigmatiques. Ces corps célestes sont des planètes géantes similaires à Jupiter, mais dont l’orbite est 20 fois plus resserrée que celle de la Terre autour du Soleil. En utilisant le spectropolarimètre ESPaDOnS équipant le Télescope Canada-France-Hawaii (TCFH) au sommet du Mauna Kea, un volcan endormi de la grande île d’Hawaii, une équipe internationale d’astrophysiciens menée par J.-F. Donati vient de montrer que les Jupiters chauds pourraient ne mettre que quelques millions d’années à se former – une durée relative d’à peine une semaine si l’on ramène la longévité d’une étoile comme le Soleil à celle des hommes. Cette découverte, publiée dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (MNRAS), devrait nous aider à mieux comprendre comment les systèmes planétaires – qu’ils soient similaires ou différents du système solaire, se forment et évoluent au cours de leur existence.
Dans le système solaire, les planètes rocheuses, comme la Terre et Mars, occupent les régions proches du Soleil, alors que les planètes géantes, comme Jupiter ou Saturne, restent cantonnées dans les confins. « D’où la surprise en 1995 quand Michel Mayor et Didier Queloz découvrent pour la première fois une planète géante très proche de son étoile » rappelle Claire Moutou, chercheuse au CNRS en poste au TCFH et co-auteure de cette nouvelle étude. Depuis, les astronomes ont montré que les Jupiters chauds se forment dans les régions externes du disque protoplanétaire – la matrice qui donne naissance à l’étoile centrale et aux planètes environnantes – avant de migrer vers les régions internes tout en évitant autant que possible de tomber dans l’étoile. Ce processus peut se produire dans une phase très précoce, alors que les jeunes planètes s’alimentent encore au sein du disque primordial. Ou alors bien plus tard, une fois que de nombreuses planètes ont été formées et interagissent en une chorégraphie si instable que certaines d’entre elles se retrouvent propulsées au voisinage immédiat de l’étoile centrale.
Une équipe internationale d’astrophysiciens dirigée par Jean-François Donati vient d’obtenir des arguments en faveur du premier de ces deux scénarios. Avec l’instrument ESPaDOnS, le spectropolarimètre construit par les équipes de l’IRAP / OMP pour le TCFH, ils ont observé des étoiles en formation au sein d’une pouponnière stellaire située à environ 450 années lumière de la Terre dans la constellation du Taureau. Parmi celles scrutées récemment, l’équipe vient d’en découvrir une, surnommée V830Tau, qui montre des signatures similaires à celles causées par une planète 1.4 fois plus massive que Jupiter, mais sur une orbite 15 fois plus proche de l’étoile que la Terre ne l’est du Soleil. Cette découverte, publiée dans la revue MNRAS, suggère que les Jupiters chauds peuvent être extrêmement jeunes et potentiellement bien plus fréquents autour des étoiles en formation qu’au voisinage d’étoiles adultes comme le Soleil.
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Les étoiles jeunes abritent en effet des trésors d’information sur la manière dont les planètes se forment – mais ces trésors sont bien cachés ! « De par leur monstrueuse activité et leur champ magnétique très intense, les bébé-étoiles sont couverts de taches des centaines de fois plus grosses que celles du Soleil, ce qui engendre dans leur spectre des perturbations d’amplitude bien plus importante que celles causées par des planètes – qui deviennent du coup beaucoup plus difficiles à détecter, même dans le cas des Jupiters chauds » souligne E. Hébrard, étudiante en thèse à l’IRAP / OMP et co-auteure de cette étude. Pour aborder ce problème, l’équipe à conçu le programme d’observations MaTYSSE dont le but est de cartographier la surface de ces étoiles et de détecter d’éventuels Jupiters chauds.
« En suivant ces étoiles au cours de leur rotation et par le biais de techniques tomographiques inspirées de l’imagerie médicale, nous pouvons reconstruire la distribution des taches sombres et brillantes, ainsi que la topologie du champ magnétique, à la surface des étoiles jeunes. Grâce à cette modélisation, il devient possible de corriger les effets perturbateurs de l’activité et donc de détecter la présence d’éventuels Jupiters chauds » explique G. Hussain (ESO) co-auteure de cette étude. Dans le cas de V830Tau, les auteurs sont parvenus à découvrir, grâce à cette nouvelle technique, un signal enfoui suggérant la présence d’une planète géante. Même si de nouvelles données sont nécessaires pour valider la détection, ce premier résultat prometteur démontre clairement que la méthode proposée peut nous fournir les clés de l’énigme de la formation des Jupiters chauds.
« SPIRou, le nouvel instrument que nos équipes construisent en ce moment pour le TCFH 5et dont la première lumière est prévue pour 2017, permettra de repousser encore les limites de la méthode, grâce à sa capacité à observer dans l’infrarouge – domaine dans lequel les étoiles jeunes sont beaucoup plus brillantes. Grâce à lui, nous pourrons bientôt explorer encore plus finement les mystères de la formation des étoiles et des planètes ! » conclut JF Donati.
Participent également à cette opération les instituts suivants : le CNRS, l’Université de Toulouse, l’Université de Montpellier et le Laboratoire d’Astrophysique de Marseille pour la France, le TCFH à Hawaii, l’Université de St Andrews en Ecosse, le CAUP au Portugal, le laboratoire UMI-FCA au Chili et enfin l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal co-PI scientifique du projet SPIRou et charge de la camera infrarouge de ce dernier!