Une équipe internationale d’astronomes, dont Joost Wardenier et Romain Allart de l’Université de Montréal et de son Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx), a scruté l’atmosphère d’une planète située au-delà du système solaire, cartographiant pour la première fois sa structure en trois dimensions.
En combinant les quatre télescopes du Very Large Telescope de l’Observatoire Européen Austral (VLT de l’ESO), ils ont découvert des vents puissants transportant des éléments chimiques tels que le fer et le titane, générant des phénomènes météorologiques complexes dans l’atmosphère de la planète.
Cette découverte ouvre la voie à des études détaillées de la composition chimique et des conditions météorologiques d’autres mondes extraterrestres.
« L’atmosphère de cette planète se comporte d’une manière qui remet en question notre compréhension du fonctionnement du climat, non seulement sur la Terre, mais sur toutes les planètes. On se croirait dans un film de science-fiction », déclare Julia Victoria Seidel, chercheuse à l’Observatoire Européen Austral (ESO) au Chili et auteure principale de l’étude publiée aujourd’hui dans la revue Nature.
La planète Tylos – également connue sous le nom de WASP-121b – se trouve à quelque 900 années-lumière de nous, dans la constellation de La Poupe. Il s’agit d’une Jupiter ultra-chaude, une géante gazeuse qui se trouve si proche de son étoile hôte qu’une année n’y dure qu’une trentaine d’heures terrestres. De plus, un côté de la planète est brûlant, car il fait toujours face à l’étoile, tandis que l’autre côté est beaucoup plus froid.
Les quatre unités du Very Large Telescope au Chili au coucher du soleil. Crédit : ESO/B. Tafreshi (twanight.org).
L’équipe a sondé les profondeurs de l’atmosphère de Tylos et a révélé des vents distincts dans des couches séparées, révélant ainsi une carte de la structure 3D de l’atmosphère. C’est la première fois que des astronomes arrivent à étudier l’atmosphère d’une planète en dehors de notre système solaire avec autant de profondeur et de détails.
Un climat jamais encore observé sur aucune autre planète
« Ce que nous avons découvert est surprenant : un courant-jet fait tourner la matière autour de l’équateur de la planète, tandis qu’un flux distinct à des niveaux inférieurs de l’atmosphère déplace le gaz du côté chaud vers le côté plus froid. Ce type de climat n’a jamais été observé auparavant sur aucune planète », explique Julia Victoria, qui est également chercheuse au laboratoire Lagrange, qui fait partie de l’Observatoire de la Côte d’Azur, en France.
Le courant-jet observé s’étend sur la moitié de la planète, prenant de la vitesse et agitant violemment l’atmosphère à très haute altitude lorsqu’il traverse la face chaude de Tylos. « Même les ouragans les plus violents du système solaire semblent calmes en comparaison », ajoute-t-elle.
Joost Wardenier, un chercheur postdoctoral de l’IREx qui a contribué à l’étude. Photo fournie par le chercheur.
Joost Wardenier, chercheur postdoctoral à l’IREx et qui a contribué à l’interprétation des données à l’aide de modèles atmosphériques en 3D de la planète, ajoute : « C’est grâce à l’instrument le plus puissant de sa catégorie, ESPRESSO, qui se trouve sur le VLT, que nous avons maintenant un aperçu unique du profil tridimensionnel du vent de l’exoplanète WASP-121b. Il s’agit d’une observation spectaculaire qui nous donne des informations clés sur le climat extrême des géantes gazeuses ultra-chaudes ».
Pour découvrir la structure 3D de l’atmosphère de l’exoplanète, l’équipe a utilisé l’instrument ESPRESSO du VLT de l’ESO pour combiner la lumière de ses quatre grands télescopes en un seul signal. Ce mode combiné du VLT recueille quatre fois plus de lumière qu’un des télescopes seul, révélant ainsi des détails moins lumineux. En observant la planète pendant un transit complet devant son étoile hôte, ESPRESSO a pu détecter les signatures de plusieurs éléments chimiques, sondant ainsi différentes couches de l’atmosphère.
« Le VLT nous a permis de sonder trois couches différentes de l’atmosphère de l’exoplanète d’un seul coup », explique Leonardo A. dos Santos, co-auteur de l’étude et astronome adjoint au Space Telescope Science Institute de Baltimore, aux États-Unis.
L’équipe a suivi les mouvements du fer, du sodium et de l’hydrogène, ce qui lui a permis de retracer les vents dans les couches profondes, moyennes et superficielles de l’atmosphère de la planète, respectivement. « C’est le genre d’observation qu’il est très difficile de faire avec des télescopes spatiaux, ce qui souligne l’importance des observatoires au sol pour étudier les exoplanètes », ajoute-t-il.
Romain Allart, un autre chercheur postdoctoral de l’IREx qui a contribué à l’étude. Photo fournie par le chercheur.
Du titane bien dissimulé
Il est intéressant de noter que les observations ont également révélé la présence de titane juste en dessous du courant-jet, comme le souligne une étude complémentaire publiée dans Astronomy and Astrophysics. Il s’agit là d’une autre surprise, car les précédentes observations de la planète avaient suggéré l’absence de cet élément, probablement justement parce qu’il est caché dans les profondeurs de l’atmosphère.
« Il est vraiment incroyable que nous puissions étudier des détails tels que la composition chimique et les conditions météorologiques d’une planète à une distance aussi grande », a déclaré Bibiana Prinoth, doctorante à l’université de Lund (Suède) et à l’ESO, qui a dirigé l’étude complémentaire et qui est coauteur de l’article paru dans la revue Nature.
Pour découvrir l’atmosphère des petites planètes semblables à la Terre, des télescopes plus grands seront toutefois nécessaires, comme par exemple l’ELT (Extremely Large Telescope) de l’ESO, actuellement en construction dans le désert chilien d’Atacama, et son instrument ANDES.
« L’ELT va changer la donne pour l’étude de l’atmosphère des exoplanètes, a expliqué M. Prinoth. Cette étude me donne l’impression que nous sommes sur le point de découvrir des choses incroyables dont nous ne pouvons que rêver aujourd’hui. »
Romain Allart, un autre chercheur de l’IREx qui a contribué à la cueillette, à l’analyse et à l’interprétation des données, conclut : « Le niveau de détail que nous avons atteint pour établir la dynamique de l’exoplanète Tylos est époustouflant, et cela n’a été possible que grâce à la capacité unique d’ESPRESSO de collecter des photons à partir du plus grand télescope optique qui existe. C’est un bel aperçu de ce que nous pourrons faire avec l’ELT au cours de la prochaine décennie. Quelle période passionnante pour l’astronomie ! »
Pour en savoir plus
Cette recherche a été présentée dans un article publié dans la revue Nature intitulé « Vertical structure of an exoplanet’s atmospheric jet stream ». En plus de Julia V. Seidel (ESO; Laboratoire Lagrange, Observatoire de la Côte d’Azur, CNRS, Université Côte d’Azur, Nice, France), Bibiana Prinoth (ESO Chile and Lund Observatory, Division of Astrophysics, Department of Physics, Lund University, Lund, Sweden), Leonardo A. dos Santos (Space Telescope Science Institute & Johns Hopkins University, Baltimore, USA) et des membres de l’IREx Joost Wardenier et Romain Allart (IREx, UdeM, Montréal, Canada), l’équipe est constituée de 19 co-aueurs du Chili, de la Suède, de l’Italie, des États-Unis, de l’Italie, de la Suisse, de la France, de l’Espagne, du Portugal, du Canada et de l’Allemagne.
L’article complémentaire, qui a révélé la présence de titane, a été publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics sous le titre « Titanium chemistry of WASP-121 b with ESPRESSO in 4-UT mode ». L’équipe inclue Bibiana Prinoth, Romain Allart, et 20 co-auteurs du Chili, de la Suède, de la France, des États-Unis, de l’Australie, du Portugal, de la Suisse de l’Italie, du Canada et de l’Espagne.
Personnes-ressources pour les médias (Canada)
Marie-Eve Naud
Coordonnatrice à l’éducation et au rayonnement
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
514-279-3222, marie-eve.naud@umontreal.ca
Contacts scientifiques (Canada)
Joost Wardenier
Chercheur postdoctoral
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
joost.wardenier@umontreal.ca
Romain Allart
Chercheur postdoctoral
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
romain.allart@umontreal.ca
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Julia Victoria Seidel
European Southern Observatory (ESO) and Lagrange Laboratory, Observatoire de la Côte d’Azur
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Bibiana Prinoth
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Leonardo A. dos Santos
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