Une équipe internationale d’astrophysiciens incluant Romain Allart, chercheur postdoctoral Trottier de l’iREx à l’Université de Montréal, a découvert que les exoplanètes d’une étoile de la constellation des Poissons orbitent dans des plans perpendiculaires. Cette configuration est radicalement différente de notre Système solaire, où les planètes orbitent proches d’un même plan, et pourrait être due à l’influence d’un compagnon lointain de l’étoile qui demeure inconnu.
Située à 154 années-lumière, l’étoile HD3167 est légèrement plus petite que le Soleil. Elle possède trois exoplanètes, dont les découvertes ont été annoncées en 2016 et 2017.
Une étude publiée en 2019 a montré un fait surprenant : deux des trois planètes ne sont pas alignées avec l’étoile, c’est-à-dire que leur orbite, ou trajectoire, ne se situe pas dans le plan perpendiculaire à l’axe de rotation de l’étoile (le plan équatorial de l’étoile). HD3167c et HD3167d, deux mini-Neptunes qui font le tour de l’étoile en 8,5 et 29,8 jours respectivement, passent en effet au-dessus des pôles de l’étoile, à près de 90 degrés de son plan équatorial.
Les théories sur l’origine des systèmes planétaires prédisent pourtant que les planètes se forment dans ce plan et y poursuivent leur évolution, à moins que des évènements particuliers ne viennent les perturber. Le Système solaire n’a pas subi de tels événements, et nos planètes sont grosso modo alignées avec le Soleil.
Voilà qu’une nouvelle étude, parue dans l’édition du 27 octobre 2021 de la revue Astronomy & Astrophysics et menée par des astronomes de l’Université de Genève, où Romain Allart, aujourd’hui chercheur postdoctoral Trottier de l’iREx, a fait ses études universitaires, présente des résultats encore plus étonnants. En ré-observant le système avec des instruments plus performants, les auteurs parviennent à mesurer l’orientation du plan orbital de la troisième planète, la super-Terre HD3167b. Cette planète, dont on estime la masse à environ 5 fois celle de la Terre, est plus proche de l’étoile que les deux autres : elle en fait le tour en seulement 23 heures.
Lorsqu’une planète transite devant son étoile, l’orientation de son orbite peut être déterminée avec un spectrographe, qui permet de mesurer le mouvement des régions stellaires occultées par la planète et ainsi en déduire sa trajectoire. Plus la planète est petite, plus ce mouvement est difficile à détecter. C’est grâce à l’instrument ESPRESSO, installé sur l’un des quatre télescopes de 8.2m du Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral au Chili, que les chercheurs ont pu déterminer l’orbite de HD3167b. Celle-ci serait alignée avec l’étoile et donc perpendiculaire au plan orbital de ses deux congénères.
« Il nous fallait un maximum de lumière et un spectrographe très précis pour parvenir à mesurer le signal d’une si petite planète » commente Vincent Bourrier, le chercheur de l’Université de Genève qui a mené l’étude, « deux conditions réalisables grâce à la précision d’ESPRESSO combinée à la puissance collectrice du VLT ».
Ce résultat n’aurait pas pu être obtenu sans une connaissance précise du moment où HD3167b passe devant son étoile : le temps n’était connu qu’avec une précision de 20 minutes – une éternité pour un transit qui dure 97 minutes. Les chercheurs se sont donc tournés vers le consortium du satellite CHEOPS, dont la mission principale est justement de mesurer les transits avec une très haute précision.
« CHEOPS nous a permis de connaître le moment du transit à une minute près. C’est une bonne illustration de la synergie qui peut exister entre différents instruments, ici CHEOPS et ESPRESSO, et les équipes qui les exploitent » conclut Christophe Lovis, également chercheur à l’Université de Genève et membre des deux consortia.
Ces nouvelles mesures semblent confirmer la prédiction faite en 2019 sur la présence d’un quatrième corps qui pourrait se trouver en orbite autour de l’étoile HD3167. Ce corps pourrait être une planète géante ou une naine brune liée gravitationnellement au système. Dans ce scénario, les deux mini-Neptunes, plus lointaines que la super-Terre, auraient été influencées par ce quatrième corps, qui aurait contribué à désaligner leurs orbites.
« Ce sont les effets de marées qui auraient permis à la plus petite planète de rester alignée avec l’étoile, étant donné sa proximité avec celle-ci », explique , qui conserve plusieurs collaborateurs à l’Université de Genève.
Le chemin est donc tout tracé pour les chercheurs, qui partent maintenant à la recherche de ce compagnon élusif.
L’article « The Rossiter-McLaughlin Effect Revolutions: an ultra-short period planet and a warm mini-Neptune on perpendicular orbits », a été publié le 27 octobre 2021 dans Astronomy & Astrophysics. Outre Vincent Bourrier et Romain Allart, l’équipe comprend 35 autres scientifiques de la Suisse, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal et de l’Allemagne.
Vincent Bourrier
Professeur Assistant au Département d’astronomie
Faculté des sciences, Université de Genève
+41 22 379 24 49
vincent.Bourrier@unige.ch
Marie-Eve Naud
Coordonnatrice à l’éducation et au rayonnement,
Institut de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
514-279-3222, marie-eve.naud@umontreal.ca
Romain Allart
Chercheur postdoctoral Trottier,
Institut de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal, Montréal, Canada
romain.allart@umontreal.ca
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