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Une exoplanète brûlante observée de près par les astronomes de l’Université de Montréal

Représentation artistique de l’exoplanète géante WASP-76 b, est un monde extrêmement chaud qui gravite très près de son étoile géante. Crédit : International Gemini Observatory/NOIRLab/NSF/AURA/J. da Silva/Spaceengine/M. Zamani.
Représentation artistique de l’exoplanète géante WASP-76 b, est un monde extrêmement chaud qui gravite très près de son étoile géante. Crédit : International Gemini Observatory/NOIRLab/NSF/AURA/J. da Silva/Spaceengine/M. Zamani.

 

Des astronomes de l’UdeM, grâce télescope Gemini Nord (Hawaï), ont étudié avec précision la composition chimique d’une exoplanète géante ultra-chaude, permettant de mieux comprendre ces planètes singulières.

Stefan Pelletier, le étudiant au doctorat à l’origine de la découverte.

Une équipe internationale dirigée par Stefan Pelletier, doctorant à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l’Université de Montréal (UdeM), annonce aujourd’hui la publication dans la revue Nature d’une étude détaillée sur l’exoplanète géante ultra-chaude WASP-76 b. Grâce à l’instrument « MAROON-X » installé sur le télescope Gemini Nord, l’équipe a pu identifier 11 éléments chimiques dans l’atmosphère de la planète et en mesurer l’abondance. Parmi ces éléments figurent des composants de roche dont on n’a pas encore mesuré l’abondance pour les planètes géantes du système solaire comme Jupiter ou Saturne.

« Il est extrêmement rare qu’une exoplanète située à des centaines d’années-lumière nous apprenne quelque chose qui aurait été autrement impossible à savoir à propos de notre propre système solaire, a déclaré Stefan Pelletier. C’est le cas de cette étude. »

 

Un autre regard sur une planète singulière

WASP-76 b est un monde étrange. Elle atteint des températures extrêmes en raison de sa proximité avec son étoile hôte, une étoile massive située à 634 années-lumière dans la constellation des Poissons : environ 12 fois plus proche que Mercure ne l’est du Soleil. Avec une masse similaire à celle de Jupiter, mais près de six fois plus importante en volume, WASP-76 b est très peu dense. Depuis sa découverte en 2013 par le Programme Wide Angle Search for Planets (WASP), de nombreuses équipes l’ont étudiée et ont décelé différents éléments dans son atmosphère. En particulier, dans une étude également publiée dans la revue Nature en mars 2020, une équipe a trouvé la signature du fer sur la planète et a émis l’hypothèse que des pluies de fer pourraient y avoir cours.

Stefan Pelletier, au fait de ces études, a voulu obtenir de nouvelles observations indépendantes au sujet de WASP-76 b en utilisant le spectrographe optique à haute résolution MAROON-X installé sur le télescope de 8 mètres de Gemini Nord. Ce téléscope fait partie de l’Observatoire international Gemini, situé à Hawaï et exploité par le NOIRLab (National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory) de la Fondation nationale des sciences (NFS).

« Nous savions que le nouveau et puissant spectrographe MAROON-X nous permettrait d’étudier la composition chimique de WASP-76 b avec un degré de précision inégalé pour une planète géante », explique le professeur Björn Benneke, coauteur de l’étude et directeur de recherche de Stefan Pelletier à l’Université de Montréal.

 

Le télescope Gemini Nord, présenté ici, a été utilisé par Stefan Pelletier et ses collègues pour évaluer la composition atmosphérique de l’exoplanète ultra-chaude WASP-76 b. Photo : International Gemini Observatory/NOIRLab/NSF/AURA/P. Horálek (Institute of Physics in Opava).

 

Une composition similaire à celle du Soleil

Nous connaissons avec une grande précision les abondances de presque tous les éléments du tableau périodique présents à l’intérieur du Soleil. Cependant, cela n’est vrai que pour une petite quantité d’éléments présents dans les planètes géantes de notre système solaire, dont la composition reste mal définie. Cette lacune entrave notre capacité à comprendre les mécanismes précis qui régissent la formation de ces planètes.

En raison de la proximité de WASP-76 b avec son étoile, sa température dépasse largement les 2000 °C. À ces températures, de nombreux éléments qui formeraient normalement des roches sur la Terre (comme le magnésium et le fer) sont vaporisés et présents sous forme gazeuse dans la haute atmosphère de la planète. Son étude permet donc d’obtenir des données inédites sur la présence et l’abondance d’éléments qui entrent dans la composition des roches des planètes géantes. En effet, dans les planètes géantes plus froides comme Jupiter, ces éléments se trouvent en plus basse altitude dans leuratmosphère et sont donc impossibles à détecter avec les outils technologiques actuels, aussi performants soient-ils

 

Le produit direct du Big Bang

Les abondances de nombreux éléments mesurés par Stefan Pelletier et son équipe dans l’atmosphère de l’exoplanète, comme le manganèse, le chrome, le magnésium, le vanadium, le baryum et le calcium, correspondent de très près à celles de son étoile hôte ainsi qu’à celles de notre propre Soleil. Ces abondances ne sont pas le fruit du hasard : elles sont le produit direct du Big Bang, suivi de milliards d’années de nucléosynthèse stellaire, de sorte que les scientifiques mesurent à peu près la même composition dans toutes les étoiles. Celle-ci diffère toutefois de la composition des planètes rocheuses comme la Terre, dont la formation est plus complexe. Les résultats de cette nouvelle étude indiquent que les planètes géantes pourraient conserver une composition globale reflétant celle du disque protoplanétaire à partir duquel elles se sont formées.

Cependant, d’autres éléments se trouvent appauvris dans la planète par rapport à l’étoile, un résultat que Stefan Pelletier a trouvé particulièrement intéressant.

« Les éléments qui semblent manquants dans l’atmosphère de WASP-76 b sont précisément ceux qui nécessitent des températures plus élevées pour se vaporiser, comme le titane et l’aluminium, explique-t-il. En revanche, ceux qui correspondaient à nos prévisions, comme le manganèse, le vanadium ou le calcium, se vaporisent tous à des températures légèrement inférieures. »

L’interprétation de l’équipe de scientifiques est que la composition observée dans les couches élevées de l’atmosphère des planètes géantes peut être extrêmement sensible à la température. Selon la température de condensation d’un élément, celui-ci sera présent sous forme gazeuse dans la partie supérieure de l’atmosphère, ou condensé sous forme liquide dans les couches inférieures plus profondes. Lorsqu’il est sous forme gazeuse, l’élément joue un rôle important dans l’absorption de la lumière et peut être observé par les astronomes. Lorsqu’il est condensé, il ne peut pas être détecté par les astronomes et disparaît donc complètement de leurs observations.

« Si cette découverte est confirmée, cela signifierait que deux exoplanètes géantes ayant des températures légèrement différentes l’une de l’autre pourraient présenter des atmosphères très différentes, explique Stefan Pelletier. Un peu comme deux récipients d’eau, l’un à -1 °C où l’eau est gelée, et l’autre à + 1 °C où l’eau est liquide. Par exemple, le calcium est observé sur WASP-76 b, mais il ne le sera peut-être pas sur une planète légèrement plus froide. »

 

Première détection d’oxyde de vanadium sur une exoplanète

L’équipe de Stefan Pelletier a obtenu un autre résultat intéressant, à savoir, la détection de l’oxyde de vanadium. C’est la première fois que cette molécule est détectée avec certitude sur une exoplanète.

Cette molécule suscite l’intérêt des astronomes, car ils savent qu’elle peut avoir un fort impact sur les planètes géantes chaudes. « Cette molécule joue un rôle similaire à celui de l’ozone dans l’atmosphère terrestre : elle est extrêmement efficace pour réchauffer la haute atmosphère, explique Stefan Pelletier. Les températures augmentent donc en fonction de l’altitude, au lieu de diminuer comme c’est généralement le cas sur les planètes plus froides. »

 

Autres découvertes

Un élément, le nickel, est nettement plus abondant dans l’atmosphère de l’exoplanète que les astronomes ne l’avaient prévu. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce fait. L’une d’entre elles est que WASP-76 b pourrait avoir accrété de la matière provenant d’une planète similaire à Mercure. Cette petite planète rocheuse de notre système solaire est enrichie en métaux comme le nickel en raison de la manière dont elle s’est formée.

L’équipe a également constaté que l’asymétrie de l’absorption du fer entre les hémisphères est et ouest de WASP-76 b, signalée dans des études antérieures, est également présente pour de nombreux autres éléments. Cela signifie que le phénomène sous-jacent à l’origine de cette asymétrie est probablement un processus global tel qu’une différence de température ou la présence de nuages d’un côté de la planète et non de l’autre, plutôt que le résultat d’une condensation sous forme liquide comme cela avait été auparavant suggéré.

 

Prochaines étapes

À la suite de ces résultats passionnants, Stefan Pelletier et son équipe souhaitent en apprendre davantage sur cette exoplanète et sur d’autres planètes géantes ultra-chaudes, notamment pour valider leur hypothèse concernant les atmosphères très différentes qui pourraient prévaloir sur des planètes dont la température diffère légèrement.

Ils espèrent également que d’autres chercheurs tireront parti de ce qu’ils ont appris sur cette exoplanète géante et l’appliqueront pour améliorer notre compréhension des planètes qui composent notre propre système solaire et de leur origine.

« Des générations de chercheurs ont utilisé les abondances d’hydrogène et d’hélium mesurées sur Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune pour comparer les théories de formation des planètes gazeuses, résume le professeur Björn Benneke. De la même façon, les mesures d’éléments plus lourds comme le calcium ou le magnésium sur WASP-76 b permettront de mieux comprendre la formation des planètes gazeuses. »

 

À propos de cette étude

L’étude « Vanadium oxide and a sharp onset of cold-trapping on a giant exoplanet » réalisée par Stefan Pelletier et ses collaborateurs a été publiée le 14 juin 2023 dans la revue Nature. Outre Stefan Pelletier et Björn Benneke, l’équipe comprend Luc Bazinet et Olivia Lim, deux étudiants aux cycles supérieurs de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal (iREx), Mohamad Ali-Dib, ancien boursier de recherches postdoctorales Trottier à l’iREx, aujourd’hui à la NYU Abu Dhabi, ainsi que 13 autres coauteurs du Canada, des Émirats arabes unis, de Suède, de France, du Royaume-Uni, des États-Unis, d’Italie, des Pays-Bas et d’Allemagne.

 

 

Personnes-ressources pour les médias

Marie-Eve Naud
Coordonnatrice scientifique au rayonnement et à l’éducation,
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal, Montréal, Canada
514 279-3222, marie-eve.naud@umontreal.ca

Nathalie Ouellette
Directrice adjointe,
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal, Montréal, Canada
613 531-1762, nathalie.ouellette.2@umontreal.ca

 

Personnes-ressources scientifiques

Stefan Pelletier (auteur principal)
Étudiant Ph. D.,
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal, Montréal, Canada
stefan.pelletier@umontreal.ca

 

Björn Benneke (coauteur)
Professeur,
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal, Montréal, Canada
514 578-2716, bjorn.benneke@umontreal.ca

 

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